vendredi 2 décembre 2011

Séance 6 - Socio modernité : espace public/privé

Séance 6 : Le social : invention de la modernité.

I- Introduction : la question posée par ARENDT.

Biblio : crise de la culture ; la révolution

Invention de la modernité → n'existait pas dans la période pré-moderne. C'est cela que ARENDT interroge, le monde grec.
Le mot « social » n'est pas présent dans la pensée et le langage grecs. Il apparaît sous une première forme en latin, societas.

Dire que le social n'existe qu'à partir de la modernité, à quoi ça sert ?
D'abord à critiquer la société du travail. Car le travail serait prédominant au social. Cela renvoi à la tradition allemande qui pense la technicisation, cela amenant à la perte de sens du travail dans la société moderne.
L'absence d'existence du social dans la pensée grecque, qu'est ce que cela veut dire ?
Cela ne veut pas dire que l'homme ne vit pas en société (on a le mot de polis qui signifie la cité et le groupe), Aristote pense que l'homme est un animal politique, un animal qui a du langage en viviant en polis avec d'autres. Cela veut dire que l'organisation politique des grecs était bien différente de la notre, c'est cela que mobilise ARENDT.
Cette absence de social, l'idée de la polis signifie qu'il y a une distinction entre la vie privée et la vie publique (politique), sans espace intermédiaire. Le social est ce qui peut servir d'espace intermédiaire, les grecs ne pensent pas ainsi.

Dans la condition de l'homme moderne de 1958, ARENDT explore l'invention du social. Elle étudie la condition humaine par la notion de vita activa (qui se distingue de la vita contemplativa, celle-ci étant considéré pendant longtemps (depuis Socrate et Platon) comme la plus importante que la vite activa car la contemplation peut amener à des vérités universelles). Pourtant, la vita activa peut amener à une forme d'immortalité, l'action politique permet …
ARENDT rétablit la hiérarchie entre les deux vita, pour pouvoir réaffirmer la priorité de l'action (du politique) sur le travail et l’œuvre.

La définition du travail, de l'oeuvre et de l'action.

Le travail.
Il correspond à l'activité, à la condition humaine. La condition humaine est l'existence dans le monde, le monde est la terre qui a un sens par l'existence commune et par la création d'objets. Il faut produire des choses pour nos besoins vitaux, la condition de l'homme est marqué par la naissance et la mort. C'est la volonté de dépasser notre condition.
Le travail, c'est l'activité visant à conserver la vie, à la satisfaction des besoins biologiques. Le travail est la production de bien de consommation (pas durable) et qui doit donc être constamment renouvelé, c'est une idée de cycle d'alimentation. Les animaux possèdent le même type de cycle. C'est une nécessité. L'homme, dans le travail, est un animal laborieux. Ce sont des activités qui peuvent être solitaires.

L’œuvre.
C'est la production d'un monde durable, d'objets destinés à l'usage plutôt qu'à la consommation. Production de bâtiments, d'institution, d’œuvres d'art. C'est la production d'un monde, d'une Terre de sens par les hommes. C'est la production d'un monde où l'action peut prendre place, où la vie collective peut prendre place.
L’œuvre, c'est l'artificiel, la technique. La figure qui prédomine dans l'oeuvre, c'est celle du dieu qui crée un monde (homo faber). Ce sont des activités solitaires.
Ce n'est pas une action libre de création, on est contraint par les représentations que l'on a des objets que l'on veut produire (fabriquer une tasse, c'est pas une production originale en soi, on respecte un schéma classique de la tasse).

L'action :
C'est le plus important pour la vie de l'homme. L'action est forcément politique. C'est la capacité à prendre une initiative, à initié : à donner lieu à un commencement de quelque chose de nouveau, à une chaîne d'actions d'où tout (l'inattendue) peut émerger.
L'action vise à s'immortaliser et à casser le cercle de la répétition biologique, à laisser une trace qui dure. L'action politique se caractérise par l’irréversibilité, on ne peut revenir en arrière une fois une chaîne lancée, on ne peut que demander le pardon. L'action se caractérise aussi par l'imprévisibilité, la seule façon de maîtriser l'imprévisibilité est de lancer une autre action. La meilleur façon de s'assurer le fonctionnement de son action, faire qu'un autre accepte notre action, c'est la promesse, lui promettre quelque chose.
L'homme a un langage, il peut préciser le sens d'une chose, de quelque chose, d'un concept ? C'est cela qui différencie l'homme de l'animal. On peut parler de la justice, dire ce qui est dedans et dehors. Le travail de définition par le langage est le travail politique. Un dieu n'a pas besoin de donner une définition des mots qu'il utilise. L'homme lui, doit vivre avec des individus qui n'ont pas forcement les mêmes définitions, la discussion est l'acte politique permettant donc produire un travail de définition commune. C'est l'actualisation de la liberté et de la pluralité humaine.
En tout cela, l'action est le dévoilement du « qui », « qui tu es ? ». C'est l'endroit où l'on parle des actions, des actions des autres pour les générations à venir : l'homme n'est plus réduit à la production technique d'un monde : c'est la façon d'atteindre l'immortalité (pas l'éternalité qui est obtenu par la contemplation et pas l'action). Les grandes actions des grands hommes, donner un sens au monde.

Dans le monde actuel, on oubli l'action, elle disparaît. On se concentre sur le travail, à la limite l’œuvre mais plus l'action. Les besoins biologiques, la production.
La question de ARENDT consiste à comprendre ce que nous sommes en train de faire à la condition humaine. Signification politique de ces activités. Pourquoi cette question ? Elle débute son livre avec le fait de quitter la Terre, le fait d'aller dans l'espace, ce fantasme. Elle considère que c'est une émancipation de notre condition humaine, car les hommes ne sont que sur Terre, c'est cela qui définit le départ de la condition humaine alors qu'on veut la quitter. Ensuite, elle parle de l'automatisation du travail : le travail est ce qui nous ramène à notre animalité, cette automatisation émerge alors que la société devient une société de travailleurs : cela produit une tension. Cette société ne sait plus rien des autres activités pour lesquelles cette liberté par l'automatisation serait intéressante à obtenir.

La distinction entre domaine public et le domaine privé est occulté par l'avènement du social. L'idée est que ce qui devrait rester privé est exposé publiquement, on remplace l'action par le travail, on met en valeur le travail. Le privé devient une préoccupation commune, la seule.
Le social émerge, il est conçu comme un ensemble de familles.

II- Le domaine privé.

C'est le domaine familial, ce que les grecs appellent l'oikos. Ce terme a un sens bien plus large que celui du foyer, cela désigne la famille, le domaine de l'économie, la productivité (familiale, sous entendu). La maison est plus qu'un foyer, c'est le lieu de la production, de la subsistance, de la satisfaction des besoins vitaux (du travail donc). Le domaine privé comme lieu physique est délimité, séparé de l'espace public et protégé de celui-ci. Le domaine privé, le travail, étant la vision la plus basse de la condition humaine, elle doit être cachée : les grecs méprisaient le travail. Ce n'est donc pas l'homme qui travail, c'est la femme, les enfants et les esclaves, ceux qui ne sont pas citoyens : l'homme citoyen libre fait de la politique, se dévoue aux affaires.
Le domaine privé doit libérer le seigneur du foyer des contraintes vitales, il ne doit pas produire de richesse. Sans le domaine privé, la polis n'existerait pas, elle ne serait pas libre du travail pour l'action. Le domaine privé se dirige par la force, la violence ; le domaine public se dirige par la rhétorique, la persuasion.

La liberté :
La condition essentielle du bonheur. L'émancipation de ses besoins vitaux. Cela permet d'être affranchi des nécessités de la vie. L'égalité, c'est la possession de la liberté par tous, pas la justice.

La contrainte :
Détenue par le chef de famille, c'est le mode de gouvernement du domaine familial.

Le domaine familial est privé, il échappe à la loi et à la réglementation publique. C'est un lieu secret à la société. Ce caractère privé est privatif, c'est être privé des autres, être dans la solitude, pas dans la liberté d'agir avec d'autres.

III- Le domaine public.

Il s'oppose complètement au domaine privé.
Le public est la sphère de la polis, c'est une chose commune à tous les citoyens, cette participation à la vie politique dépend de leur autonomie dans le domaine privé.
La polis est le siège de la vie politique, se déroule sur la place publique. L'activité politique s'élabore par la parole, lexis et le dialogue (logos ?). C'est ce qui fait dire que la démocratie athénienne est le plus bavard des systèmes politiques. La violence est muette.

Dans la vie politique grecque, il y a une compétition : l'homme politique veut gagner la discussion et selon Platon, cela mène au dénigrement de la politique.

Bibliographie : Huttington les papiers...

Stricte égalité des membres. Mais l'égalité antique n'a que peu à voir avec l'égalité moderne. La polis grecque est une démocratie directe, il n'y a pas de représentation. Ce sont les citoyens qui produisent eux-mêmes leurs lois.

Au moyen-age, on voit l'expansion du domaine privé. Le seigneur, le domaine seigneurial, la communauté (calqué sur la famille), les confréries, les guildes, etc.
La vie contemplative est aussi très importante, avec le christianisme. Il y a une perte de la quête de l'immortalité des anciens face à la promesse de la vie éternelle transcendante devant la contemplation des dieux, où il n'y aurait pas d'action. Pas besoin d'agir et de produire car plus tard, dans l'éternelle, il y aura une autre vie.


IV- L'avènement de la modernité :

L'émergence d'une société de masse où prédomine le travail, l'animal laborans est devenu plus important que l'animal politique.
ARENDT critique l'essor du social et de célébrer la grandeur (ou du moins le besoin d'y revenir pour contrecarrer le risque de la perte des sens ; biopolitique et FOUCAULT, faire vivre et laisser mourir) de l'action politique.

Pour ARENDT, le travail doit rester dans le domaine privé, au risque que la vie de l'homme devienne une quête sans fin d'abondance. L'oeuvre doit être crée au sein de la sphère privée avant d'être exposé publiquement, pour ne pas avoir une société technocratique (la rationalité que craint WEBER avec la bureaucratie). L'action appartient donc au domaine public d'apparition politique et permet aux hommes dans leur pluralité d'affirmer leur singularité et d'actualiser leur liberté, sans espace public, pas d'action et donc pas de singularité.
La tendance à l'inertie est le présent de l'homme, l'avenir même de l'homme est en jeu.

L'émergence du social.

Entre le privé et entre le public, extension illimité du privé vers le public et le privé comme objet de réflexion du public.
=> Le social apparaît comme opposition à l'étatique, ce qui ne correspond pas à la vision grecque du public et du privé. Le social nait de l'interpénétration du privé et du public, devenant une sphère intermédiaire. L'action est ecclipsé car le travail (qui devrait être privé) devient l'objet principal du public.
« Le public est devenu une fonction du privé et le privé la seule et unique préoccupation du public. »

Repliement de la sphère privée sur l'intimité.

ROUSSEAU est le premier théoricien de l'intimité, naissance de la subjectivité moderne, révolte contre la société et la production du soi. La vie privée n'est plus compris comme privation des autres mais comme intimité, protection des autres, devenant le lieu de la famille bourgeoise. La famille est valorisée par l'individualisme moderne mais elle va devenir un objet de gestion moderne, du social. La famille moderne est la famille nucléaire, désintégration de la communauté.
Transformation de la structure e l'économie.

L'« économie politique » est un oxymore pour ARENDT, l'économie renvoi à la sphère privée. La sphère du marché est privé, les acteurs du marché sont les individus privés et l'intimité devient l'objet de soucis du sphère public.
L'action est évacué du public.

Vie publique limitée par l'expansion du sociale.

La vie politique tend à se confondre avec l’action politique étatique (WEBER). L'Etat apparaît comme une entité menaçante pour l'individu, extérieur à sa vie. Le comportement s'oppose à l'action libre, les individus deviennent conformistes. La société rassemble les être sans pourtant les relier mais pour la cohésion de la société, il faut un lien entre les hommes. Ce lien est l'espace public moderne.

V- L'espace public : de KANT à HABERMAS

Thème crée par KANT et repris par HABERMAS (l'espace public, 1962). L'espace public apparaît avec KANT dans Qu'est-ce que les Lumières ? : il définit la modernité comme l'entrée des sociétés dans la majorité, la maturité. C'est le moment où la société peut-être critique, où elle peut définir ses limites. KANT parle de l'usage privé et de l'usage public de la raison. C'est l'espace où on peut critiquer, un espace émancipé des contraintes où on peut prendre « le risque de savoir ». Chez KANT, la critique est un travail sur les limites pour les connaître et s'y borner, chez FOUCAULT, c'est un travail de définition des limites pour les dépasser.

Confluence entre la réflexion critique et la réflexion historique.

HABERMAS se propose de reconstruire historiquement et philosophiquement la notion d'espace public. Elle émerge au XVIIIe siècle et se définit « rassemblement de personnes privées faisant un usage public de la raison ». Ce sont les échanges de lettres (la république des lettres), les journaux (le public apprenait les problèmes publics), les cafés (avec les discussions). A l'époque, c'était les bourgeois qui entraient dans cet usage de l'espace public.
L'espace public était l'espace de l'exercice du pouvoir royal. Le noble représente le pouvoir public.

Changement de statut de l'espace public :
La vie de la cour est renvoyé dans l'espace privé, le public se définit alors face à l'étatique : l'espace public devient l'instance de médiation entre l’État et le corps social. Les groupes sociaux permettent de faire que l'individu ne soit pas seul dans cet espace public. Le peuple se constitue en tribunal, l'espace public est le lieu où l'on juge les actions du gouvernement, des actions qui nous concernent.
L'espace public, dans cette définition, est très abstrait et semble homogène. Mais d'autres définitions développent ces points, mettant en avant son inaccessibilité pour certains.

La notion d'espace public obéit principalement à l'idée d'émancipation. L'émergence du l'espace public accompagne l'émergence de la société civile.

Trois élements essentiels de l'espace public :
Suppose l'existence de l'individu autonome, capable de discuter et de se faire une opinion propre.
Construction des opinions par les échanges et l'argumentation. (Théorie de l'agir communicationnel d'HABERMAS)
Valorisation de ce qui est commun, de l’intérêt général contre l'intérêt privé.

Rôle de la classe bourgeoise.
L'espace public bourgeois forme le cadre de développement de l’État moderne. L'espace public répond aux développement de processus sociaux liés aux activités de la bourgeoisie : l'échange libre, l'échange de biens matériaux, le commerce, l'information concernant le commerce (tout ce que ARENDT considère comme relevant du privé devient ici public). La régulation des échanges est considérée comme relevant de l’intérêt collectif, ce sont les aspects bourgeois.

L'espace publique est un espace contradictoire : confusion de l’intérêt général et de l’intérêt bourgeois. On impose à tous de faire abstraction de ses intérêts privés pour adopter un point de vue commun à tous, pour parler d’intérêt général. HABERMAS fait une analyse critique de cela, met en avant la nature citoyenne de l'espace public mais aussi la nature bourgeoise.
Cette contradiction est devenu visible lorsqu'il est apparue que tout le monde ne pouvait pas être propriétaire, lorsque l'économie marchande s'est politisé (alors que les intérêts corporatifs envahissaient l'espace public), lorsque la coexistence au sein d'un individu de l'homme privé poursuivant des intérêts égoïstes et du citoyen guidé par l'intérêt général est devenu moins évidente.
Un public global, comment se construit-il ? Si on considère qu'un public répond à un État, au niveau mondial, comment fait-on ?

Le public, dans le monde moderne, s'occupe de la gestion de l'économie politique, le marché colonise tout l'espace. L'espace public émerge avec un idéal bourgeois, un idéal contestateur. Mais il présente des tensions, c'est une abstraction, une idéalisation, il y a nombre de limite.

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