dimanche 18 décembre 2011

Moderne 06 - 12


Précédemment : Moderne 29 - 11
Note : Du fait de son retard, Mme Maitte renvoie le début du cours au TD correspondant.

Anne Robert Jacques Turgot

  1. Le programme réformateur de Turgot

Cf TD

  1. Pourquoi abolir les corporations et la corvée ?

Cf TD
A. L'économie politique, les corporations et la corvée

B. ???

C. Par quoi les remplacer ?

Les corporations ne sont pas remplacées par rien du tout, puisque des registres sur base territoriale apparaissent. Des syndics sont nommés par l'autorité territoriale.
Les règlements des corporations ne sont pas visés par l'Édit de suppression, ils sont conservés mais restent dans un état de limbe assez flou. Les corvées sont remplacées par des physiocrates entrepreneurs privés en charge des routes, des ponts, … Les salariés et les ouvriers veulent être fixés. Pour cela il y a une taxe spécifique dans l'Édit d'abolition et elle est levée en fonction du coût. Ces taxes seront spécifiquement attachées aux routes, aux ponts, … Si elles n'est pas totalement utilisée, elle est reportée l'année suivante. Son prélèvement se perçoit sur tout les propriétaires privilégiés ou non. Elle est établie sur la base du vingtième (nouvel impôt de 1750). L'impôt est rapidement perverti et rien ne sera concrètement mis en application puisque Turgot sera renvoyé quelques mois après l'Édit.


  1. De 1776 à 1791

  1. Le renvoi de Turgot et le rétablissement des corporations

A. Le « carnaval Turgot »

Les corporations fêtent ces abolitions de Turgot dans une explosion de joie spontanée dont on ne sait grand chose si ce n'est qu'elle est spontanée. Les compagnons trouvent alors des moyens supplémentaires de faire leurs lois à leurs maîtres. L'identité sociale des maîtres et remise en cause par l'abolition des corporations qui était aussi un classement social des individus. Il y a donc une dénonciation forte de Turgot, du métissage social rendu possible par l'Édit contre l'ordre voulu de Dieu.
C'est aussi dans le domaine économique et social que cela se ressent. La soif du gain entrainera la tromperie généralisée dont le public sera la principale victime face à des marchandises et des services frauduleux car plus contraint par des règles. On a une vision chaotique où on réalise que le Marché ne peut se réguler seul, il lui faut des règles établies, et que la société n'est pas la somme des individus, il existe des corps fondements de la société.

B. La chute de Turgot

Cette chute vient de l'impression de chaos social suite à l'abolition des corporations (particulièrement à Paris). La police intervient rapidement avec de nombreuses arrestations et de nouvelles contraintes. Cela augmente les tensions. Le Parlement monte alors en première ligne contre les réformes de Turgot par lie de justice. Leurs arguments montrent bien que les fondements de la société sont en cause : la société este composé d'États (ordres pour nous) cela fonde et soutient la nation et si cela disparaissait ce serait le désordre. Ces idées reprennent les termes de Charles Loyseau auteur d'un traité sur les trois ordres. Le Parlement aboutit à la conclusion que certains doivent commander et d'autres obéir, il n'y a pas d'égalité possible.

L'agitation continue d'autant plus qu'elle avait déjà commencé avec l'augmentation des prix du pain qui provoque la guerre des farines. Cela avait provoqué le recul du roi sur les mesures de Turgot qui est renvoyé en 1776. C'est Clugny qui prend sa place, il va tenter de revenir sur les mesures de Turgot : abolition des corvées, abolition des corporations, diminution du prix du grain, … Il n'est plus question de faire la suppression de tout l'Édit royal, même si c'est un recul.

C. Le rétablissement des corporations et de la corvée

Necker prend la place de Turgot en 1777 comme directeur général des finances (pas contrôleur puisqu'il est d'origine suisse et est protestant). Il est appelé pour ses liens avec la banque genévoise dans une situation de banqueroute de l'État. Il sera renvoyé en 1781 puis rappelé en 1788. Le rachat des corvées en taxes ??? est posé en 1776, puis généralisé en 1786. Ce rachat est plus ou moins imposé aux corvéables même s'ils ne le désire pas. En 1789, elles sont reprises dans les intendances de Besançon, Bordeaux et Rennes.

Au total il y a 3 édits, 13 déclarations royales, 57 mesures, … cela montre bien la multiplication des tentatives de changements. Il y a la volonté d'imposer un système national unificateur tentant d'allier la règle et la liberté. C'est la recherche d'autres moyens pour aboutir à un résultat identique. Si cela prend sens rapidement à Paris, ailleurs on en sait peu de choses et les corporations de province ???

Ces mesures ont poussé à la fusion forcée d'anciennes corporations voisines vers un semblant de rationalisation, l'extension des métiers libres, l'ouverture des corporations aux femmes (et celles des femmes aux hommes), autorisation de s'inscrire dans plus d'un métier, réduction des droits d'entrées (mais l'État empoche ¾ de la taxe) et l'extinction d'office des litiges entre les différentes communautés. Il y a un rétablissement pas du tout à l'identique, le corporatisme d'antan a vécu et il faut instaurer de nouveaux modes de régulation du travail.

Les nouveaux maîtres sont de trois catégories : les Anciens maîtres qui doivent payer une droit de confirmation (ou de réunion) pour récupérer le statut de maître, ceux qui ont profité de l'Édit de février qui doivent payer 1/10 du droit d'entrée ou postuler à 1/3 du plein tarif et enfin les Agrégés, les nouveaux maîtres, qui ne peuvent participer aux réunions, ne peuvent avoir d'apprentis, … Les Agrégés sont pourtant les plus nombreux puisque les anciens maîtres refusent de payer leur taxe et préfèrent être Agrégés tout en revendiquant le statut d'anciens maîtres. Cela multiplie les tensions entre maîtres et le gouvernement qui ne l'avait pas prévu compte sur le temps pour calmer le jeu. Selon Kaplan, il y a une grande plasticité de la situation qui aurait été relativement voulue par le gouvernement. Cela crée des oppositions durables entre tout les maîtres et la restauration n'est pas à l'identique.

Dans le cas des métiers libres, ces nouveaux édits poussent à désigner des syndics qui doivent inspecter la qualité des produits. Un aspect disciplinaire tombe aussi reprenant les lettres patente de l'édit de 1749 avec le billet de sortie, ou l'interdiction des confréries de compagnons. On veut toujours imposer le respect du modèle de subordination. Kaplan note l'ampleur du traumatisme et son caractère durable. L'Ancien Régime s'achève dans une certaine confusion, de nombreux maîtres regrettent l'ancien système et les compagnons attende un changement en leur faveur qui serait définitif.

Pour les manufactures, Necker instaure un système original , la marque de liberté. Le consommateur pouvant choisir la qualité du produit, Necker laisse l'ancien système de marque colbertiste, mais il distingue les produits qui ne suivent pas les règlements. On peut donc faire les produits comme on le désire.

  1. La Révolution et l'ancien ordre du travail

Les cahiers de Doléances sont assez contradictoires mais très peu se font l'écho des thèses libérales et demandent l'abolition des corps (les compagnons y ont peu la parole). On a donc la voix des maîtres essentiellement qui expriment leur mécontentement face au chaos de 1776. Ils sont contre l'abolition de Turgot et le corporatisme de Necker. Ils demandent le retour à la situation d'antan qui leur semblait être l'idéal.

Les décisions révolutionnaires vont dans un sens différent mais c'est aussi sous le coût d'une improvisation. Le 4 août 1789, avec l'abolition des privilèges (La nuit du 4 août 1789, Hirsch) et surtout l'abolition des corvées. Par contre les corporations sont étrangement épargnées. Il y a vote d'une motion demandant la réforme des lois relatives aux corps de métiers, mais elle est oubliée dans la constitution. Cela n'empêche pas que la plupart des acteurs notamment les compagnons, voire les maîtres de corporation, vont faire comme si elles n'existaient plus. Cela est renforcée le 6 août 1789 avec la liberté d'agir sans entraves, d'où les compagnons sont persuadés que chacun peut travailler comme il veut. Mais cela n'est pas présent dans la déclaration des Droits de l'Homme.
De 1789 à 1790, les maîtres vont attirer le regard des autorités sur les insubordinations et les cabales des compagnons qui menacent l'ordre économique. C'est donc sous le coup de l'improvisation que sont prises les décisions de 1791 comme le montre Minard.

  1. Les abolitions de 1791

A. Les décrets d'Allarde du 2 au 17 mars 1791

C'est une patente qui prend acte du non-fonctionnement des corps et qui néanmoins prend une mesure fiscale dépendant du métier contrôlé. Cf texte.

B. Les lois Le Chapelier du 14 au 17 juin 1791

Loin de l'interprétation historiographique de l'aboutissement d'une réflexion libérale, c'est une décision politique qui aboutit à un vide juridique plus qu'à l'instauration d'un ordre nouveau. En effet, l'agitation ouvrière est le cœur du problème. Cette agitation surtout développée dans le domaine de l'imprimerie et du bâtiment. Les pétitions en nom collectif sont interdites donc on censure la liberté d'expression
On limite aussi les activités des clubs et sociétés populaires. Ce sont des décisions politiques sans contenus sur la travail.

C. Le décret Goudard, 27 septembre 1791

Ce décret supprime l'organisation des inspecteurs dans les manufactures mais rien n'a le temps d'être établi derrière et un nouveau vide juridique en sort. Seul l'État et les individus sont face à face, comme le montre la loi Le Chapelier. Finalement on a la réprobation durable de toute concertation collective (corporations), un désencastrement de l'économie et d'un brouillage durable puisque au nom de la liberté individuelle, les groupes d'intérêts sont interdits puisqu'ils sont établis pour les employeurs.



  1. De 1791 à 1848

  1. L'impossible rétablissement des corporations


(cf texte de Minard).
Pas de vision téléologique, on a proposé de nouveau les corporations dans la suite de l'Histoire mais la connotation dont elles sont chargées sous l'Ancien Régime l'ont condamné. On a toujours d'une part la nostalgie de l'ordre ancien (les Ultras sous la Restauration) avec la dénonciation des « monopoleurs », du pouvoir intégral de l'argent, la volonté de retrouver des relations interpersonnelles qui tiennent peu compte des pratiques et de la réalité des acteurs économiques. De fait, il y a des entorses aux règles de la liberté au nom de la santé publique (boulangers, médecins, …). Dans le premier XIX° siècle, il y a pas mal de reconnaissances tacites sur lesquelles les policiers ferment les yeux.
L'organisation corporative demeure encore un peu après la Révolution. Mais l'Empire a mis en place la possibilité de réorganisation des employeurs avec la restauration des chambres de commerce et des chambres consultatives d'arts et métiers qui permettent l'organisation des milieux patronaux de faire connaître leur volonté dans tel ou tel domaine puisqu'elles sont régulièrement consultées pour émettre leurs opinions sur telle ou telle matière.

  1. Les trois piliers de l'encadrement et de la discipline du travail

A. Une législation d'exception pour les ouvriers : le livret de travail

Dans la loi du 22 germinal an XI, (12 avril 1803), on a de nombreuses mesures dont celle du livret ouvrier. Dans les manufactures, on veut contrôler la population ouvrière très concentrées donc on instaure ce livret. Mais on laisse de coté des grands secteurs : bâtiment, agriculture, artisanat, … Ce livret contraint les ouvriers à posséder un livret administratif, sorte de pièce d'identité particulière qui autorise à passer d'un secteur à l'autre. On y indique les documents d'états civils sur lesquels on marque les emplois, les avances et les dettes des ouvriers. Bref on indique les obligations de l'ouvrier vis à vis de son employeur. Les autorités peuvent donc vérifier cela. Ce sont les autorités maires ou commissaires de police qui les délivrent.

La réalité de l'application pose problème. On a retrouvé très peu de ces livrets car cela c'est peu généralisé. D'autant que lorsque l'on fait du travail agricole, le livret est oublié. On a alors une pratique de contournement surtout qu'un ouvrier sans livret n'a pas de peines pénales. Beaucoup d'ouvriers se vexent, ils sont assimilés à des criminels, passent leur temps au commissariat, se sentent fichés, … Pourtant pour certains c'est une aide à l'emploi, un marqueur de qualité du travail, un instrument de crédit, preuve d'une régularité de conduite acceptés de certains ouvriers. Les avis sont partagés sur ce livret. En 1851 et 1854, on tente de les propager en rajoutant les sanctions pénales. Il y a renforcement dans la seconde moitié du XIX° siècle jusqu'en 1890.

B. Le « libre contrat » du code civil (1804)

Une fois abolies les jurandes, les métiers devraient se fonder sur des contrats librement consentis entre employés et employeurs avec des contrats entre égaux. Cet idéal ne prend pas en compte l'inégalité des situations entre contractants. Mais le code civil de Napoléon est très laconique en matière de contrats de travail. Ce code civil assure donc des articles généraux, par exemple, en l'absence de loi spécifique, l'usage prédomine, les juges jugeront les usages en vigueur. Il existerait trois espèces principales de louage : ceux des gens de travail s'engageant au service de quelqu'un, ceux des voituriers en charge des transports (gens ou marchandises) et ceux des entrepreneurs d'ouvrages par suite de devis ou de marchés. Sur le louage des domestiques et des ouvriers réunis ensemble, on a seulement deux lois laconiques (articles 1780 et 1781), l'une qui souligne la temporalité du contrat et l'autre qui place le maître (plutôt l'employeur) en position de force sur l'ouvrier puisqu'il est toujours crédible par sa parole devant les juges. Pourtant on est dans le cadre de contrats entre égaux. Le maître plus proche et plus instruit n'aurait pas intérêt à fraudé sur des sommes modestes. La preuve par les témoins eut été plus utile mais avec plus d'employés que d'employeurs on redoutait une coalition ouvrière.

C. Les règlements de fabrique

Ceux-ci ont été reconnus en frimaire an XII, on reconnaît la liberté à l'employeur de régler à sa manière tout les règlements concrets du droit de travail, donc ceux des fabriques et des manufactures. En 1803, on a discuté de règlements généraux de ces manufactures en les uniformisant mais ce fut jugé impossible à faire. Les employeurs ont eut droit de régler cela eux-mêmes. Ce sont des règlements privés mais ayant force de loi, d'où un flottement de légitimité dans ces règlements. Ces règlements ne sont bien sur jamais concertés au XIX° siècle et sont la règle propre de l'employeur que tout travailleur accepte tacitement en signant son contrat de travail. Ces règlements datant d'avant la Révolution vont proliférer dans tout le XIX° siècle. Ils permettent d'enchâsser ces règles de travail d'autant que cela repose sur l'autonomie de la volonté et de la primauté du contrat.
Ils sont donc très nombreux, règlementent tant le travail que l'attitude dans le lieu de travail (pas parler, pas se distraire, …). Il y a des amendes en cas d'individus contrevenant au règlement pouvant aller jusqu'à l'exclusion de l'ouvrier. Mais cela reste discuter puisque les règlements sont très nombreux dans les fabriques. Par contre, leur application est limitée, certains fabricants déclarant que ces règlements sont mis en place dans l'atelier mais ne servent que peu, tandis que les ouvriers préfèrent dire qu'ils sont contrôlés, soumis à un règlement et à des amendes. On a donc une multiplication des conflits devant les prud'hommes sur ces règlements.

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