lundi 5 décembre 2011

Contemporaine 28 - 11

Précédemment : Contemporaine 21 - 11




Coldplay, since 1830




Le moment révolutionnaire de 1830





Trois jours révolutionnaires au cours desquelles les barricades parisiennes font chuter Charles X, frère de Louis XVI. Aux cris de « Faisons comme les Français » les Belges arrachent leur indépendance par les armes aux Hollandais. Italiens, Polonais et Allemands se révoltent au même moment dans leurs États. Pour les monarques traditionnels d'Europe, c'est un retour de 1789 qui effraie surtout par le risque du retour de 1793. Pourtant rapidement cette révolution s'arrête, la monarchie reste en France, les autres révoltes sont plus ou moins écrasées et cette révolution semble avoir eut lieu pour rien. Une pâle copie de 1789, faible contraction annonçant 1848. Il n'en est rien, 1830 reste un tournant majeur du XIX° siècle.



  1. Les Trois Glorieuses


Comme en 1789, la révolution naît à Paris de l'impossibilité d'une réforme, du blocage de la monarchie à se réformer. En France, depuis la chute de Napoléon, la monarchie fut restaurée avec les deux frère de Louis XVI : Louis XVIII puis Charles X. Cette monarchie restaurée avait tenté d'effacer les souvenirs de la Révolution par une certaine propagande (cérémonies funéraires en hausse pour enterrer ce souvenir, …). Mais impossible de réellement l'effacer, sous ses aspects d'Ancien Régime, la Restauration garde certains des aspects de 1789 comme la Charte est en fait une Constitution. La nation est représentée par des députés élus dans la Chambre Basse, le roi partage son pouvoir législatif et l'égalité civile était maintenue, la société des Trois Ordres était enterrée, les Français étaient égaux devant la loi et l'impôt. De plus au début de la Restauration la plupart des libertés politiques étaient maintenues comme la liberté de presse. On a donc une monarchie libérale et constitutionnelle.

Dans les années 1820, Charles X avait tenté un tournant conservateur un forme de contre-révolution. Il avait renié sur la liberté de la presse, redonné toute sa place à l'Église catholique, cherché à indemniser les nobles émigrés, … Toutes des réformes contre-révolutionnaires s'étaient vues opposer la fronde des libéraux de remettre des libertés en place. Or cette tendance libérale était largement majoritaire à la Chambre des députés et elle se heurtait au gouvernement ultra-royaliste. Le roi décide de forcer malgré tout en refusant de réformer. En avril 1830, après que la chambre lui est adressé un texte assez critique sur sa politique (Texte des 221), le roi dissout la chambre, relance une élection avec une nouvelle chambre de libéraux. S'appuyant sur un texte peu clair de la Charte (au nom de la sureté de l'État), le roi s'empare des plein pouvoirs, notamment le législatif et dissous de nouveau la Chambre, modifie la loi électorale, exclut une partie des bourgeois et enterre la liberté de la presse. L'ordonnance de Saint-Cloud illustre ce coup de force du roi.

Malheureusement, ce coup de force politique prend place dans un climat de tensions sociales. La France est dans une crise économique avec beaucoup de chômage. Il y a donc un terreau social qui n'explique pas la Révolution mais qui est nécessaire à la réalisation de celle-ci. Les journalistes libéraux comme Adolphe Thiers appelle à se révolter contre les ordonnances de Saint-Cloud. Cet appel prend un réel écho dans Paris où le peuple est fortement au chômage. Politique et social se combine pour lancer la Révolution. De plus, les journaux veulent publier l'appel des libéraux, le roi refuse, envoie des troupes fermer les imprimeries des journaux. Ceux-ci détruisent les presses, tabassent les ouvriers du livre, affrontements terribles avec son lot de victimes, … En quelques heures Paris se soulève.



Les combattants de juillet sont surtout des gens du peuple, même niveau social que les Sans-culottes, sorte de sommet des classes populaires (petits artisans et leurs ouvriers, petits commerçants, …). Ces hommes qui étaient parfois Sans-culottes en 1789 ou fils de Sans-culottes, furent aussi soldats sous l'Empire et ont l'expérience du combat, ils prennent alors la tête des opérations militaires. Il y a quelques étudiants aussi mais moins qu'on n'a pu le dire puisque les étudiants provinciaux sont rentrés chez eux. On trouve aussi quelques bourgeois qui s'organise en reformant des compagnies de la garde nationale, milice bourgeoise de maintien de l'ordre qui en 1827 passa en revue devant le roi en criant « A bas les ministres », elle venait donc d'être licenciée mais le roi leur avait laissé fusils et uniformes. Ces anciens bourgeois relancent donc ce mouvement comme s'il ne s'était rien passé. Leur objectif est de protéger les biens populaires contre les pillages du peuple. La lithographie représente pourtant toujours des polytechniciens, des membres de la Garde Nationale et des ouvriers. On a deux bourgeois et un ouvrier ce qui ne ressemble pas à la réalité sociologique de l'émeute, il s'agit surtout d'identifier des types de combattants rassurant, on exalte la figure de l'ouvrier équilibré par la représentation rassurante du pouvoir de la bourgeoisie en uniforme.

Ce qui se joue cette année là est bien l'alliance du peuple, des classes populaires et de la bourgeoisie. C'est l'alliance des classes, union des élites et du peuple qui légitime la Révolution : le Tiers se reforme pour renverse le tyran.

Une nouveauté émerge pourtant malgré tout dans cette Révolution : la barricade. Les premières décelables sont en prairial an III, elle doivent arrêter les forces de l'ordre, jeter des objets des fenêtres et tirer sur les soldats. Dans la première nuit, 300 à 350 barricades apparaissent. Pourquoi cette apparition subite et soudaine ? Au XVII° siècle, Paris s'était soulevée contre le roi en barricadant la ville pour empêcher l'entrée des troupes du roi. Or l'histoire de la Fronde et de Paris barricadée est très racontée dans ces années là. En effet, l'histoire de France est refaite au XIX° siècle et les journalistes historiens magnifient le rôle des bourgeois, par entre autre cette histoire de Fronde. De plus, les soldats anciens militaires connaissent les barricades comme stratégie militaire établies au front. On a donc un pullulement des barricades surtout dans les rues étroites et la barricade devient le symbole de cette Révolution. Elle devient un des outils privilégiés dans toutes les révoltes au cours du XIX° siècle (1848, Commune, autres pays, mai 1968, révolutions arabes, …).

Un autre symbole qui réémerge c'est le drapeau bleu blanc rouge. Et tout ces symboles se retrouveront dans le tableau le plus célèbre de l'époque, La liberté guidant le peuple de Delacroix.


Le 29 juillet 1830 l'armée évacue la ville en laissant 700 morts parisiens et 2000 blessés. Charles X fuit et un gouvernement provisoire s'installe à l'Hôtel de ville. 1789 semble revivre avec les insignes de la monarchie arrachées. Partout des journaux apparaissent, des clubs se créent, on se prénomme citoyen dans la rue. Mais il faut encore remettre un régime en place. Les choix étant un retour de l'Empire, un retour de la République (les Républicains sont nombreux dans les combats et prennent la tête des municipalités d'arrondissements, mais ils ne croient pas à ce régime à cause du souvenir encore par trop présent de la Terreur, de plus les libéraux sont pour une monarchie libérale et non une République) ou la solution des libéraux une monarchie libérale. Très vite ils savent qui sera l'homme à la tête de cette monarchie : le Duc d'Orléans, cousin de Charles X, descendant du Louis XIV, légitimité dynastique maintenue et ancien jacobin comme son père qui avait voté la mort de Louis XVI. Le Duc d'Orléans avait de hauts faits d'armes, il avait émigré en 1793 mais n'avait jamais rejoint les armées de la Révolution. Depuis le retour de la monarchie en France, il vivait loin de la cour au Palais Royal où il tenait salon avec les grands libéraux du moment. Thiers fait publier une affiche avec ses faits d'armes, on va le chercher dans son logis de campagne. Le 31 juillet 1830 il traverse Paris à cheval mais rien n'est sur. C'est lors de la scène du balcon avec Lafayette qui entoure le roi du drapeau bleu blanc rouge et qui marque son acceptation. L'image d'épinal qui en découle tient au fait que ce roi n'est pas légitime au sens traditionnel et c'est par l'acclamation populaire sur le balcon qu'il est légitimé.


Le 9 août 1830, les députés ont révisé la charte constitutionnelle et oriente la monarchie dans un sens plus libéral, l'article sur les plein pouvoirs est détruit, les Chambres en récupèrent plus de pouvoir, la religion catholique est supprimée comme religion d'État, Louis-Philippe devient roi des Français et non de France, il n'est pas sacré, il prête serment sur la Charte, …



  1. « Faisons comme les Français »


En Europe après la chute de l'Empire, les monarchies traditionnelles avaient été restaurées (Congrès de Vienne), or elles étaient contestées par des mouvements libéraux et nationaux car le traité de Vienne avait rétablit les anciennes frontières au mépris des aspirations nationales nées de la Révolution et de l'Empire. Les Allemands divisés en 39 États rêvaient de réunir Germania, les Italiens en huit États souhaitaient une indépendance de l'Autriche et d'une unité, les Polonais découpés entre Russes, Autrichiens et Polonais voulaient leur autonomie, au même titre que les peuples dans l'Autriche.


Ce qui se passe à Paris réveille le sentiment révolutionnaire en Europe. D'abord la Belgique catholique incluse sous domination des Hollandais protestants. Deux raisons les poussent à refuser cette situation : la religion et le commerce. Pour la seconde, la bourgeoisie belge avait des relations intenses et fructueuses avec la France, mais les Hollandais ont une politique protectionniste qui bloque cela. A la veille de la révolution, les libéraux et les ??? sont alliés. Le 25 août 1830 ont donne un opéra La muette de Portecci de Hober, mais depuis deux jours, des tracts circulent pour se révolter et les Belges y vont avec un petit drapeau belge. L'opéra éveille en eux le sentiment révolutionnaire et pour appeler le peuple, pillent un magasin de jouets et utilisent les tambours. Bruxelles se soulève et la Révolution gagne les provinces belges et finit par défaire les troupes hollandaises. L'indépendance est proclamée, le suffrage censitaire est instauré et la monarchie libérale qui en sort est très proche de la monarchie française. C'est un prince allemand qui prend le trône et se marie à la fille de Louis-Philippe.

A Varsovie, les Polonais se soulèvent contre les Russes. Dans les cantons suisses, des libéraux prennent les armes. Des têtes couronnées chutent (Duc d'Allemagne, Duc de Modène). La Révolution semble devenir européenne. L'Espagne et le Portugal demandent des monarchies sœurs. Les Polonais attendent l'aide française, mais Louis-Philippe refuse car il ne veut pas risquer la guerre ouverte avec les cours européennes.



  1. Une Révolution pour rien ?


Le reflux révolutionnaire est très rapide avec un écrasement des révolutionnaires. La violence de la répression est forte. De même en France où les premières lois mettent un frein à la Révolution : suffrage limité (avec exclusion de 90% des hommes), l'État refuse d'intervenir dans le libéralisme économique, …

Très vite de cette déception naît une agitation politique et sociale qui prolonge la dynamique révolutionnaire pour réveiller la Révolution, mais le pouvoir l'écrase avant qu'il n'y ait propagation. L'alliance des bourgeois et du peuple est brisée. Dans la rue à Lyon, en novembre 1831 et à Paris en juillet 1832, les ouvriers sont d'un coté de la barricade et les bourgeois de l'autre.


La Révolution a donc juste proclamé le libéralisme souhaité par les bourgeois. De façon significative, les discours mémoriaux évoluent, on passe de 1789 à la Glorious Revolution anglaise (retour d'un roi et qui donne son nom aux trois journées).



  1. Une vraie rupture


La tradition historiographique marxiste a fait passé 1830 pour un petit soubresaut sans conséquence. Mais 1830 a réhabilité la Révolution comme mode d'action politique. 1789 avait délégitimée le peuple, mais 1830 fait l'effet inverse puisqu'elle fait la preuve que la Révolution peut renverser le tyran sans violence excessive, sans précipiter l'Europe dans la guerre, sans faire de retournement sociaux. Pour les élites, c'est la preuve de faire 1789 sans 1793. Les mouvements libéraux et nationaux en France comme en Europe qui ne rêvaient pas de Révolutions dans les années 1820 mais d'actions coup de poing dans le plus grand secret, désirent désormais des Révolutions. La Révolution est revenue dans les attentes des peuples et des élites.


D'autre part, juillet 1830 en France à modifier l'échiquier politique. Les contre révolutionnaires (les ultra-monarchistes) sont définitivement écartés du pouvoir, la noblesse qui redevenait une aristocratie en récupérant des postes privilégiés est effacée. Les contre-révolution est désormais disparue. Les libéraux arrivent donc au pouvoir et ayant exclu la droite ultra-monarchiste, une place émerge pour de nouveau courants à gauche. C'est donc l'apparition des démocrates, des républicains avec une image bien plus modérée et du socialisme avec l'apparition d'un véritable mouvement ouvrier surtout depuis l'évènement à Lyon. C'est la rencontre entre socialistes et ouvriers. Le socialisme gonfle, se donne une base sociale, réclame une revendication sociale, … 1830 achève définitivement 1789 et donne naissance au mouvement ouvrier qui va chercher à achever 1793.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire