vendredi 10 février 2012

Sociologie de la culture - CM - Introduction

Sociologie de la culture – CM (GRUNFELD).


Philippe COULANGEON, sociologie des pratiques culturelles, Repères => Ouvrage utilisé lors de la deuxième partie du cours.

Introduction – Les problèmes de la sociologie de la culture.

Deux interrogations générales :
=> Quelles sont les spécificités de la sociologie de la culture (au sein de la sociologie) ? Donc la question de sa place dans le champ de la sociologie.
=> Quelles sont les différentes définitions de la culture ? Quel impact sur la sociologie de la culture ?

I-                   La place et les caractéristiques particulières de la sociologie de la culture dans l’ensemble de la sociologie.

La définition d’un sujet spécifique d’une branche de la sociologie par rapport au reste de la discipline reste assez arbitraire : on explique ce qu’on traite alors que les autres ne le traiteraient pas. Toutefois, il y a souvent un consensus sur une partie de la spécificité de la branche, ce qui pose problème c’est plutôt ce qui est à la périphérie de la branche et donc potentiellement à la périphérie d’autres branches.

Exemple :
Prenons la sociologie de la maladie, la sociologie du travail, la sociologie rurale, la sociologie de la famille et la sociologie urbaine. On peut facilement trouver un domaine de chaque branche qui est spécifique à celle-ci et qui rend compte de la spécificité du champ spécifique. Mais on peut aussi trouver des travaux et des problématiques, des objets d’étude qui sont à l’intersection de ces champs. Par exemple, si on s’intéresse à la garde des enfants, on peut être soit sociologue de la famille, soit sociologue du travail. Ces intersections peuvent être enrichissantes pour le sociologue.

La sociologie de la culture est à l’intersection de la sociologie de la communication, de la sociologie de l’éducation, de l’ethnologie, de la sociologie des pratiques quotidiennes, de la sociologie de l’art. C’est donc les intersections de ces disciplines qui fondent la sociologie de la culture.
Ce mélange est une faiblesse car la discipline n’a pas de fondement historique stable comme les autres disciplines, elle reste floue. Mais c’est aussi une force car cette multiplicité des disciplines rend dynamique la recherche, la rend fluide au risque de se perdre dans une discipline spécifique. Lorsque l’on parle de sous-culture délinquante, on est dans la sociologie des normes et des déviances.

II-                Les différents sens du mot culture : une polysémie extrême.

1-      Le sens actuel du terme « culture ».

A-    Le sens général.

Dans le vocabulaire courant, le terme est déjà polysémique. Dans le petit Larousse, la culture renvoi à trois acceptions :
=> Un sens littéral présenté comme historiquement originel, c’est l’action de cultiver la terre.
=> Un sens biologique, le fait de développer des organismes.
=> L’ensemble des structures sociales et des manifestations intellectuelles, artistiques ou religieuses qui définissent un groupe par rapport à un autre. L’exemple donné est la culture hellénistique.

Le troisième sens est celui qui est le plus proche de ce qu’on veut travailler mais il est trop large (il est proche du terme civilisation sous cette acception). Ce n’est d’ailleurs pas la première définition proposée dans le sens courant.

B-     Le sens dans les dictionnaires actuels de sociologie (ou de sciences sociales).

Dans le dictionnaire des sciences humaines dirigé par GRESLE : « l’ensemble des connaissances et des comportements (techniques, économiques, rituels, religieux, sociaux, etc.) qui caractérisent une société humaine ». Dans la suite de la définition, on oppose la culture à l’homme à l’Etat de nature qui est une hypothèse philosophique. Un groupe d’homme a forcément une culture dés lors qu’ils forment une société.
Cette définition est encore une fois vague et assez peu opératoire pour élaborer un travail sociologique ou pour définir un champ de la discipline. Cette définition se rapproche de ce qu’on va désigner comme une conception anthropologique de la culture. Dans une perspective anthropologique où l’on s’intéresse à un collectif humain délimité, cette définition de la culture est pertinente, elle permet de comparer différents groupes en différenciant des cultures.
Seulement, considérer qu’un hamburger est un élement culturel au même titre qu’un tableau ou qu’une activité rend la sphère trop large.

Dans le dictionnaire de la sociologie de BOUDON : Dans son sens moderne, le terme de culture envoi aux « modes de communication du savoir dans les sociétés en rapide transformation et objets symboliques produits par une société pour véhiculer des valeurs ». L’auteur ne distingue par la sociologie de l’art et la sociologie de la culture, c’est une définition de la culture savante au détriment de tout ce qui pourrait aussi être de la culture.

Ainsi, quel que soit le type de source que l’on utilise, il y a des points communs à ces définitions :
=> la définition pose problème, il n’y a pas de consensus.
=> Le terme de culture est polysémique.
=> On peut classer ces définitions dans deux grands sens principaux : soit il est vaste pour répondre à un besoin d’une définition anthropologique, soit il a un sens plus restreint qui se limite à la culture savante.

Comme la définition de la culture semble difficile, nous allons structurer le cours en trois parties, une sur la première définition et une autre sur la deuxième. La culture de masse est d’une certaine façon la définition qui permet de faire le lien entre ces deux définitions, c’est donc celle acception que nous développerons dans une troisième partie du cours.

2-      Les différentes acceptions historiques du terme de culture.

Le but est de comprend d’où vient le terme pour resituer les définitions proposées. Si l’on reprend un dictionnaire de sociologie un peu plus ancien, on remarque qu’il y avait déjà cette double acception que nous avons souligné dans la partie précédente.
Il faut donc remonter plus loin pour comprendre les origines du mot.

A-    Les origines les plus lointaines du terme de culture

En France, au moyen-âge, la culture renvoi au culte religieux, à ses pratiques et non pas au fait de cultiver la terre (cette utilisation apparait au XVIIe siècle). Au XVIIIe siècle, on commence à utiliser le terme dans le sens de l’acquisition de savoirs, en analogie avec l’utilisation agricole du terme, « un individu cultive les lettres». C’est donc les progrès intellectuels d’une personne, le travail de la personne. Progressivement, on commence aussi à qualifier l’état d’un individu, « il est cultivé ». Toutefois, on parle toujours d’un individu isolé.

B-     Le terme de « culture » dans « l’histoire universelle » allemande.

Ce terme est importé en Allemagne au XVIIIe siècle, retranscrit en cultur, en gardant le « C ». Dans la fin du XIXe siècle, le mot évolue et devient kultur. Cela reflète un basculement, en changeant d’orthographe le terme prend un sens différent, cela renvoi au progrès intellectuel, non pas de l’homme individuel mais des groupes sociaux, de l’Humanité. Cette acception est utilisée dans les idées évolutionnistes, où la culture serait tournée vers le progrès de l’Humanité. La kultur va être utilisée pour désigner l’état de l’avancement des sociétés.
Ce terme a donc une dimension normative dès lors qu’on avance sur une échelle collective du progrès. Si l’évolution en terme de progrès est discutable, la notion de groupe est toutefois une avancée pour nous, sociologues.

C-     L’introduction du terme de « culture » en anthropologie et en sociologie.

On change de lieu et de langue. Nous sommes dans les USA de la fin du XIXe première moitié du XXe siècle. C’est E. TYLOR (1832-1917), un anthropologue, qui est le premier à utiliser ce terme dans son ouvrage primitive culture (1871) : « la culture ou la civilisation, entendue dans son sens ethnographique étendu, est cet ensemble complexe qui comprend les connaissances, les croyances, l’art, le droit, la morale, les coutumes et toutes les autres aptitudes et habitudes qu’acquiert l’homme en tant que membre d’une société ».
C’est une définition vaste et elle reste toujours valide anthropologiquement parlant. La culture ici n’apparait plus comme un progrès ou un devenir, comme c’était le cas en France et en Allemagne. Cette définition plus neutre est reprise par la plupart des anthropologues de la première moitié du XXe siècle. Elle est rapidement reprise par tous les sociologues américains comme PARK, BURGESS et OGBURN, en utilisant la culture pour décrire les comportements des groupes immigrés aux USA et plus particulièrement les problèmes d’adaptation d’un groupe social rural (les Polonais par exemple) dans les quartiers urbains américains.

A partir du moment où la définition de TYLOR est imposé dans les sciences sociales, il rentre en concurrence avec le terme de « civilisation ». Il y a une opposition dans les usages du terme de culture en Allemagne et aux USA et l’utilisation du terme de civilisation dans les travaux français. ELIAS, dans la civilisation des mœurs, dit que la kultur allemande est une notion relativiste alors que la notion de civilisation serait plus universaliste : la culture permet de mettre en avant les différences et la civilisation permet de mettre en avant les points communs.
Les sociologues du XXe siècle évite de parler de civilisation pour éviter cette notion d’universalité, que toutes les sociétés se confondent en une ou plusieurs civilisations. On parle par exemple de civilisation occidentale. Il y a aussi l’idée d’une hiérarchie entre les sociétés et ceux qui gardent ce terme on, pour certain, la volonté de maintenir l’idée d’une différence de valeur entre les civilisations.

Un sociologue canadien, Guy ROCHER dans les 1960’ propose la culture comme un ensemble lié de manières de penser, de sentir et d’agir plus ou moins formalisé qui, étant apprises et partagées par une pluralité de personnes, servent d’une manière à la fois objective et symbolique à constituer ces personnes en une collectivité particulière et distincte ».
C’est cette définition que l’on utilisera, en plus de celle de TYLOR, dans la première partie du cours. Ce qui rend cette définition opératoire est la plus ou moins grande formalisation des manières de penser, de sentir et d’agir, ce qui permet de travailler sur les protocoles comme les lois mais aussi sur les arts (qu’ils soient « nobles » ou non), que la culture est partagée par une pluralité de personne laissant ainsi la possibilité de travailler sur une culture de masse mais aussi sur une culture restreinte., Il y aussi l’idée d’une acquisition sociale de la culture et donc que la culture est héritée. Enfin, la culture aurait une fonction, qui est de réunir une pluralité de personne en une collectivité spécifique.

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