Chapitre 5 – Le phénomène
électoral : les explications du vote.
On va se demander qui vote et pour qui. Le vote, encore une fois, a
une fonction centrale dans la démocratie : permet de sélectionner les
représentants et de leur donner une légitimité en fonction du nombre de voix
qu’ils emportent.
Le vote a une place centrale dans la sociologie politique mais aussi
la sociologie électorale a aussi une place centrale dans les stratégies des
partis politiques. Il y a des cellules dans les partis politiques qui sont
consacrées à ça. Cela a un rôle dans le parachutage et aussi dans le
redécoupage des circonscriptions.
C’est le domaine de la sociologie politique qui est le plus riche
financièrement.
Voir le CEVIPOF.
La question est de savoir si il ya des grands déterminants
sociologiques qui permet de déterminer le vote, prédisposant à certains
comportements électoraux. On va aussi se poser la question de l’influence des
campagnes électorales et se demander quel est l’influence du contexte et des enjeux
électoraux.
Il y a deux grands types d’approches :
=> L’approche déterministe, une approche par les variables lourdes.
Elle s’intéresse l’influence des groupes d’appartenance dans le comportement
électoral.
=> L’approche individualiste : c’est un modèle d’avantage
économique avec un électeur rationnel qui fait des calculs en fonction de ses
attentes et de l’offre électoral.
I – Les
approches déterministes/écologiques.
Ecologique car on s’intéresse à l’environnement social des électeurs.
A- Les modèles
contextuels.
1-
Le facteur géographique
(SIEGFRIED)
SIEGFRIED est le père de la géographie électorale avec le
tableau politique de la France de l’Ouest sous la IIIe République.
Il remarque que certaines zones votent durablement à gauche et d’autres
durablement à droite, quel que soit les candidats qui se présentent. Il y a une
distribution spatiale des votes qui est durable. Il en conclut qu’il y a des
tempéraments politiques spatialement répartis.
Là où il y a du granit, l’habitat est dispersé, c’est de la ruralité
avec de grandes propriétés foncières et cela donne de l’influence aux notables
et à l’Eglise. Comme il y a une dépendance à l’égard de ces deux figures
amenant un vote plutôt conservateur. Les zones calcaires donnent un habitat
plus resserré, des petites propriétés et une distribution spatiale plus urbaine
(petites villes) où la petite bourgeoisie a plus d’influence. Cela produit des
relations plus égalitaires et déchristianisés.
La morphologie de l’habitat et la répartition de la propriété foncière
vont déterminés les relations entre les groupes sociaux, influençant ainsi les
valeurs qui prédominent.
Quels sont les limites ?
On lui a reproché d’avoir mis en place un modèle efficace pour la
Vendée et moins pour d’autres zones géographiques. On lui aussi reprochés
d’avoir donné trop d’importance à la géographie plutôt qu’a l’histoire,
notamment avec le rôle de la Révolution Française.
2-
Le facteur social (école de Colombia)
C’est le début de la méthodologie des sondages par questionnaire à
questions fermées permettant de relancer les études des sondages électoraux.
En 1940, Lazarsfeld observe l’élection entre Roosevelt et Wilkie et
grâce à sa méthode par sondage, il peut rendre compte des évolutions d’opinion.
En 1944, il publia The People Choice.
Il y a trois conclusions à cette enquête
=> Si on connait les groupes sociaux auxquels les individus
appartiennent, on peut prédire leur vote. Il y a donc une influence du milieu
de socialisation. « Une personne pense politiquement comme elle est
socialement ». Si le vote est un acte individuel, ce n’est pas un acte
isolé.
=> La campagne électoral a une influence très limitée sur les
électeurs. Un meeting n’a que peu d’effet sur la campagne, surtout sur les
individus très politisés. Par contre, les moins politisés, qui sont plus
nombreux que ce à quoi s’attendaient les enquêteurs, ne suivent pas la campagne
et donc ne sont pas influencés non plus.
=> Si les médias ont un rôle qui n’est pas si déterminants que ça,
ce qui joue beaucoup sont les leaders d’opinion. Ce sont des personnes
politisés mais qui ne sont pas des professionnels de la politique, que l’on
retrouve dans tous les milieux sociaux. Ces individus vont chercher à
convaincre leurs proches de voter pour tel ou tel homme politique. L’enquête de
l’école de Colombia montre que ce sont dans ces petites interactions que les
indécis vont changer d’avis.
L’idée que l’on vote en groupe est très présente. La famille joue un
rôle de politisation au premier plan, que ce soit pour le débat d’idée mais
aussi pour aller voter.
=> La classe sociale : plus on appartient à un groupe aisé,
plus on va voter à droite et inversement.
=> La religion (cela joue moins en France) : les protestants
vont plutôt voter « républicain » et les catholiques « démocrate ».
=> Le territoire : les zones urbaines votent
« démocrate » et les zones rurales « républicain ».
3-
L’identification partisane et psychosociologie
du vote (école du Michigan).
Pour cette école, les résultats de l’école de Columbia sont trop excessifs.
Ils considèrent qu’il faut réintroduire l’électeur au centre de l’analyse
plutôt que parler de groupe.
Ils font une enquête nationale sur 14 ans aux USA. Ils publient les
résultats dans The American Vote en
1960. Ils proposent de faire une psychologie de l’électeur en s’intéressant aux
rapports qu’entretiennent les électeurs avec les objets politiques (partis,
leaders, symboles, etc.).
Ils montrent qu’il y a un attachement affectif des électeurs à l’un ou
l’autre des deux grands partis américains. Ils font plusieurs
conclusions :
=> Cette identification partisane est précoce, elle se construit
dès l’enfance. Elle est transmise par les parents et c’est d’autant plus
efficace s’il y a une homogénéité des convictions politiques dans le couple.
=> Cette identification partisane est durable : les électeurs
ont une identification partisane qui se transmet d’une élection à l’autre et
elle s’ancre progressivement avec le temps.
=> Cette identification partisane va avoir une manifestation
différente selon que les gens sont politisés ou non. Pour les individus
politisés, l’identification partisane joue le rôle de filtre dans le processus
d’information : ils vont aller lire des journaux spécifiques, écouter
certaines émissions et aller à certains meetings. L’identification partisane
est à ce moment-là une grille de lecture pour comprendre le champ politique.
Pour les gens politisés, l’identification partisane agit plutôt comme une
marque à laquelle on est affectivement attachée, on va adopter une forme de
loyauté. L’identification partisane joue le rôle de repère minimal dans
l’espace politique.
B-
Le poids des variables lourdes.
1- Le rôle de la religion.
Ces analyses se font à propos des catholiques, il y a peu d’élements
sur les musulmans car ils ne sont que 5% contre 55% de catholiques.
Plus on est lié à la religion, plus les chances de voter à droite
augmente. Plus on est détaché de la pratique religieuse et plus les chances que
l’on vote à gauche augmente.
Cela a été montré Guy MICHELAT
et Miche SIMON.
Ils font des entretiens non directifs où ils parlent de la pratique
religieuse et de la pratique électorale en tentant de faire le lien entre les
deux et deux profils d’électeurs antagonistes se dessinent :
=> Celle du « catholique déclaré ». C’est un individu
issu des classes moyennes dont l’univers de représentation se structure autour
d’un système de valeur conservateur qui met beaucoup en avant la personne, la
famille, la tradition et le patrimoine. L’institution de référence est
l’Eglise.
=> Celle de « l’ouvrier communisant irréligieux » :
la représentation du monde se structure autour des antagonismes de classe, les
institutions de référence sont les syndicats et les partis politiques de
gauche.
Parmi les « catholiques déclaré », 66% votent à droite alors
que parmi les électeurs correspondant au profil de « l’ouvrier communisant
irréligieux » 63% votent à gauche. Il y a donc corrélation entre système
de représentation et de valeurs, religion et comportement électoral.
Claude DARGENT a aussi écrit
sur le sujet :
Si on neutralise tous les facteurs sociaux, plus la pratique
religieuse est intense et plus le vote penche à droite. Et c’est vrai malgré
l’érosion du catholicisme.
Il faut toutefois nuancer ces analyses car les très pratiquants
catholiques votent deux fois moins Front National (J-M Le Pen) que la moyenne
nationale : la religion pousse à droite mais protège de l’extrême.
Tous les électeurs de droite ne sont pas catholiques, la laïcité se
retrouve à droite tout comme des branches catholiques.
Les musulmans représentent 5% de l’électorat en 2007 et à 95% ils ont
voté pour Ségolène Royal. A 75% ils appartenaient à la classe populaire mais le
vote est en général plus partagé dans la classe populaire.
2- Le vote de classe.
Il y a plusieurs clivages
qui fonctionnent bien.
=> Les indépendants à droite et les salariés à gauche. Indépendant
est un groupe très large qui recoupe des positions différentes sur le marché du
travail mais l’indépendance forme une cohérence qui pousse à droite, cohérence
qui s’est renforcé ces 20 dernières années, notamment avec l’augmentation du
niveau de vie de certains indépendants, ou du moins à cause de l’évolution du
groupe.
=> Le privé à droite et le public à gauche. Le concours du public
fait que le niveau scolaire est plus élevé et ainsi, ils sont plus libéral au
niveau des mœurs, donc plus à gauche. Le public protège aussi les services
publics et donc vote à gauche. Le milieu syndical de gauche est aussi plus fort
dans le secteur public.
=> Possédant/non possédant : l’effet patrimoine. C’est plus
visible pour les personnes qui possèdent deux éléments de patrimoine.
=> Homme/femme : les femmes votent moins pour les extrêmes,
surtout pour la droite.
=> Age : les vieux à droite.
Bilan du modèle des variables
lourdes :
Tous ces modèles dessinent un profil d’électeur proche, c’est-à-dire
un attachement politique hérité et finalement peu raisonné, qui est du niveau
de l’affectif. L’électeur vote selon son appartenance mais ça ne veut pas dire
qu’il vote toujours pour le même parti, comme le parti change aussi de valeurs,
ils se déplacent aussi sur l’échiquier politique. Ce qui est important, c’est
l’appartenance subjective plutôt que l’appartenance objective à un
groupe : ceux qui ont une ascension sociale fulgurante considéreront à se
considérer comme de la classe sociale de départ, un cadre ancien classe moyenne
aura toujours des valeurs de classe moyenne.
selon ce modèle, si l’on est bien intégré socialement, on ne change
pas, , de vote : les changements d’attitude électoral sont l’exception et
traduisent un manque d’intégration social. Très tot, ce modèle a été critiqué
pour deux raisons :
=> Cela s’oppose au mythe de l’électeur rationnel et indépendant,
critique et informé.
=> Lorsque l’on observe les comportements électoraux, on remarque
qu’une partie des comportements est volatile. Si l’on reconstruit les parcours
électoraux des individus, on s’aperçoit qu’une partie importante des électeurs
ne votent pas toujours pour le même partie.
Les théories individualistes en
vitesse rapide (le III mais pas assez de temps pour le faire)
Deux figures de l’électeur :
=> Electeur stratège : est-ce que je vote plutôt pour un des
grands partis ou non, est-ce que je fais un vote utile, et si tout le monde
fait ça, est-ce que c’est toujours un vote utile ?
=> Electeur consommateur : les électeurs énoncent leurs
attentes, ils définissent leurs enjeux et ils choisiraient un candidat à partir
de cela.
Idée que les électeurs se prononcent selon les résultats du candidat
sortant, notamment en regardant le taux de chômage et le taux d’inflation.
C’est l’idée d’un vote sanction.
Ce modèle d’explication est dû au fait que les électeurs changent
d’avis, qu’ils évaluent les enjeux et donc pour ces individus, la communication
des partis ont un impact. Ils n’ont pas le même type de comportement électoral.
Conclusion
général :
Une sociologie du système d’un côté et une sociologie de l’acteur de
l’autre.
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