jeudi 3 mai 2012

Contemporaine 30 - 04 (cours 8)

Précédemment : Contemporaine 02 - 04


La fameuse photo des emplacements des missiles cubain



En 1959, Castro se rend à L’ONU pour défendre sa Révolution et il s’y présente comme un nationaliste et anti-impérialiste mais absolument pas comme un communiste. Par contre, quand il veut rencontrer son équivalent de chef d’Etat, Eisenhower, Castro est reçu par le vice-président, Nixon. La dictature menée à Cuba par contre est une justification de la non-rencontre entre Eisenhower et Castro. Cette dictature provoque un fort exil cubain aux USA avec une organisation pour renverser Castro. C’est là que se fait la rupture et le glissement socialiste de Cuba. En effet, entretemps, Kennedy est au pouvoir et il soutient ce débarquement de la baie des Cochons. Cuba est donc menacé par son voisin états-unien, donc dans un contexte de guerre froide, le seul ami possible est l’URSS. Ainsi, le fait que le régime cubain se présente comme Marxiste-communiste tient uniquement à un contexte de guerre froide. Cuba n’est sinon nullement un régime communiste, juste une dictature avec des politiques sociales.
D’ailleurs, cette faible influence communiste se verra dès 1962, avec la crise des missiles qui sera résolu par les USA et l’URSS sans Cuba, alors même que les missiles sont sur le sol cubain. Fâché, Castro se rapprochera brutalement de la Chine communiste et se détachera de l’URSS. C’est de là que Cuba devient un régime communiste exotique, incarnation d’un communisme différent et détaché de l’URSS.


Tout est dans le titre de la seconde partie du film


Les mouvements de guérillas et les guerres en Amérique Centrale


Les guérillas et les luttes armées deviennent les moyens d’action privilégiés de la gauche d’Amérique Latine. Guérillas signifient petites guerres. Ce ne sont pas des guerres intra-étatique mais infra-étatique, où les combattants sont fondus dans la population. Ils utilisent un armement et des tactiques militaires devant assurer un harcèlement permanent de l’ennemi. Il n’y a pas d’armées, pas de batailles. C’est un harcèlement avec soutien de la population très souvent. On fait de la lutte armée plutôt que de faire de la lutte politique, de la lutte de masse, de la lutte idéologique, …
Tous ces mouvements sont révolutionnaires. Ils sont en faveur d’une construction d’une société communiste, se revendiquant du modèle chinois maoïste, du trotskisme et se défiant de la politique de Moscou qui a abandonné l’idée d’une révolution mondiale pour assurer la sécurité du bloc. Enfin tous ces mouvements admirent fortement l’expérience cubaine.

Aucun mouvement n’invente la lutte armée, celle-ci existe depuis le XIX° siècle en Europe comme en Amérique Latine. Ce qui est nouveau, c’est que ces mouvements deviennent la principale solution d’expression des toutes les jeunes générations. Pourtant aucun de ces mouvements de guérilla ne prendra le pouvoir. En revanche, ces mouvements vont devenir la représentation de l’espoir de la révolution pour tout l’Occident et une bonne partie de l’Afrique. Ernesto Guevara deviendra d’ailleurs le nouveau visage de la Révolution. Ce nouvel espoir est très important car il fera peur au pouvoir en place, particulièrement aux USA, et seront une des raisons de l’instauration des dictatures. Enfin ce sont des mouvements très jeunes qui vont former toute une génération. Ainsi l’actuelle présidente du Brésil, Dilma Roussef, fut une ancienne guérillera.

Ce qui lance ces mouvements de guérillas, c’est la Révolution cubaine elle-même avec une première phase jusqu’en 1967 avec une explosion des guérillas, incarnant l’espoir d’un changement. Cela se termine avec la mort d’Ernesto Guevara le 8 octobre 1967 et la même année, Cuba se rapproche de nouveau de l’URSS et donc amoindrie son aide envers les mouvements de guérillas. Ces mouvements de 1967 au milieu des années 1970, laisse les guérillas assez seules. A partir de là, les guérillas seront uniquement situées en Amérique Centrale et sont abandonnées dans le reste de l’Amérique Latine.


I.                   L’impact de la Révolution cubaine

1.      Le terreau de la lutte armée

Les contextes de leur émergence sont divers. On peut noter les contextes sociaux très inégalitaires, renforcés par l’entrée en crise fin des années 1950 de l’ISI. Il y a donc à la fois une crise économique et une aggravation des inégalités sociales. En réponse, les solutions politiques vont s’avérer aboutir systématiquement à des impasses.

A.     L’impasse des partis communistes traditionnels

Les partis communistes existent depuis les années 1920 mais sont groupusculaires sauf au Brésil, au Chili et en Uruguay. Comme les partis communistes européens, les partis communistes sud-américains suivent la stratégie fluctuante de Moscou. Dans l’entre-deux guerres, ils alternent entre les stratégies de lutte des classes et d’alliance au sein d’un front populaire.
Après 1945, la ligne de l’Internationale pour les pays du Sud est de favoriser les Révolutions nationalistes bourgeoises comme préalable à la Révolution communiste. Malgré la guerre, Moscou fixe comme ligne la possibilité d’une alliance de classes. Or dans la culture de gauche des pays sud-américains, l’alliance de classes implique l’alliance avec des bourgeoisies nationales, c’est l’alliance avec les USA, le grand ennemi impérialiste. En conséquence, les partis communistes sont très modérés en Amérique Latine, ils sont assimilés au centre et ne sont pas perçus comme révolutionnaires. Ce réformisme jugé mou va discréditer les partis communistes et cela va s’aggraver avec les coups d’Etats militaires des années 1960 et 1970. Tout le monde s’attendait à ce que les partis communistes avec le soutien des syndicats résisteraient, mais ce ne fut jamais le cas. Tous les partis communistes vont être écrasés et les militants vont fuir pour rejoindre des mouvements armés et vraiment révolutionnaires.

B.     L’épuisement des populismes

Les grands leaders décèdent durant dans cette période. Vargas est décédé en 1954, Perón a été chassé, … Bref les populismes s’effondrent quand l’ISI s’essoufflent. On voit alors apparaître des insatisfactions vis-à-vis des populismes : l’oubli des paysans au profit des ouvriers et des urbains (d’où le fait que les guérillas sont souvent rurales) et leur autoritarisme politique qui dans les années 1960 tranche avec l’esprit de libéralisation des systèmes politiques du reste du monde.
Cet héritage n’est donc pas vraiment réinvesti par les jeunes générations. Sauf peut être en Argentine où le mouvement des Montoneros se revendique de Perón.

C.     L’échec des réformismes

Dans plusieurs pays, on a des expériences de réformisme de gauche. Le plus connu entre 1970 et 1973 est au Chili avec Salvador Allende. Il est renversé en 1973 par Augusto Pinochet alors qu’il représente pour l’époque l’espoir d’un réformisme efficace. L’espoir populaire était immense et le brutal coup d’Etat de Pinochet (renforcé par le suicide d’Allende) va véritablement marquer les esprits en Amérique Latine comme en Occident.

2.      Le projet de Cuba : exporter la Révolution

A.     Cuba : leader de la Révolution en Amérique Latine et dans les pays colonisés

Dès 1959, Cuba se présente comme la première étape de la Révolution du continent de l’Amérique Latine. Ils se placent comme les soutiens logistiques, militaires et symboliques de tout mouvement révolutionnaire qui voudrait suivre les cubains. Cette ligne n’est pas celle de Moscou qui n’appuiera jamais les guérillas d’Amérique Latine. D’ailleurs le Parti Socialiste Populaire (PSP), n’est pas intégré au gouvernement cubain, ce qui est significatif.

En 1966, lors de la conférence tricontinentale qui se projette comme nouvelle Internationale, on invite tout les mouvements de Révolution divers. Cuba s’y place comme leader mais s’achèvera en 1969 avec l’entrée de Cuba dans la ligne de Moscou. Cette logique d’exportation de la Révolution ne reste pas circonscrite en Amérique du Sud, elle touche aussi l’Afrique.

B.     Les moyens de l’exportation révolutionnaire

Deux outils principaux sont employés : l’aide militaire et l’aide financière.
L’aide militaire se fait par la création de camps d’entraînement à Cuba où sont invités des militants pour s’armer. On y forme des guérilleros qui doivent exporter la Révolution à l’étranger. Cuba fournit alors l’intégralité des armes aux mouvements de lutte armée.
L’aide financière est assez faible jusqu’au milieu des années 1970, mais en 1976, une manne venue d’Argentine passant par Cuba sera redistribué. Cette manne vient de la libération d’un grand patron qui était séquestré par les Montoneros et qui confient la rançon à la banque cubaine lorsqu’ils sentent qu’ils vont perdre face au coup d’Etat.

C.     La théorie révolutionnaire

Cuba donne l’exemple, mais Ernesto Guevara va la théoriser. Médecin argentin des classes supérieur il va se convertir à la théorie révolutionnaire en rencontrant Castro alors en exil. Il va alors théoriser le foquisme, qui vient du foco, le foyer. C’est le fait que la Révolution peut se gagner en créant de petits noyaux de guérillas, en y plaçant quelques militants révolutionnaires dans un milieu favorable (pour Guevara c’est avant tout le milieu paysan). C’est une stratégie politique et militaire concrète, la situation des paysans est si terrible dans le monde, qu’il faut leur soumettre des idées révolutionnaires par des militants, avant de grossir et de prendre le pouvoir. Cette théorie est efficace dans le cas de société rurale et va donc se propager partout en Amérique Latine.

3.      Les principes de la Révolution à mener

Ces principes théorisés sont d’Ernesto Guevara et de Régis Debray. Le premier publie en 1961 La guerre de guérilla et le second en 1967 La révolution dans la révolution. Dans ces deux ouvrages on a les six thèses fondamentales de la révolution.
Tout d’abord il n’y a pas de conditions objectives au succès de la Révolution autre que les inégalités sociales. En particulier, le Tiers-monde est prêt pour la Révolution. Second point, la Révolution sera directement socialiste. Troisième point, seule la lutte armée fera la Révolution. Quatrième point, la Révolution ne doit se faire sans alliance avec la bourgeoisie nationale, l’alliance se fera entre la paysannerie pauvre et les classes moyennes urbaines et intellectuelles. Cinquième point, la tête de la Révolution doit être prise par les classes moyennes urbaines : étudiants, intellectuels, … Enfin ultime point, les partis communistes ne sont pas fiables, il faut créer des groupes d’intervention armés. Dans un contexte d’absence d’alternative politique, ces trois point démagogiques vont être très repris et auront un fort succès.


II.                Deux phases de guérillas

Toutes ces guérillas auront toutes des points communs : la lutte armée, des leaders issus des classes urbaines intellectuelles, pas de partis communistes et une volonté d’extension mondiale.

1.      Les guérillas du cône Sud

A partir des années 1960, toute l’Amérique Latine voit pulluler des guérillas. Plus particulièrement dans les pays du cône Sud avec des guérillas plus importantes : Brésil, Argentine, Chili et Uruguay. Les origines idéologiques de ce cône ne sont pas les mêmes, le principal mouvement armée, les Montoneros liés au parti justicialiste (partie de Perón). Au Chili, c’est le Movimiento de la Izquierda Revolucionaria (MIR) créé en 1967. Enfin au Brésil, on a plein de mouvements tous équivalents dans les années 1960 tous issus de la scission du parti communiste : l’alliance Révolutionnaire internationale, le MR8 (référence à la date de décès de Guevara), …
Les membres de ces mouvements sont jeunes, issus des classes moyennes et supérieures et se retrouvent bien dans l’avant-garde de la révolution voulue par Guevara loin des classes paysannes et ouvrières. Du fait de la distance sociale entre les leaders et les cibles qui devaient être touchées, on a parfois des échecs patents (problème d’analphabétisme, …). Se revendiquant du maoïsme ou du trotskisme, certains utilisent la lutte armée pour politiser les masses, d’autres associent guérilla rurale et guérilla urbaine (très proche a un système de criminalité organisée).

Les années 1960 à 1967 sont celles de la réussite la plus stricte du foquisme. Mais passé cette époque, l’insuccès va faire dériver ces mouvements vers la guérilla urbaine et l’oubli de l’idéal révolutionnaire en cours de route.
Ces mouvements de guérilla échouèrent donc systématiquement dans le cône Sud. Même nombreux, bien armés et financés, ils échouèrent, ce qu’on ne pouvait réellement prédire. L’échec vient entre autre de l’insuccès à créer une insurrection populaire, même Guevara en Bolivie n’y parviendra pas, les paysans n’étant pas assez frontalement opposés à leurs dirigeants. De plus, les armées et les polices se sont vite adaptées à la guerre révolutionnaire et répondirent brutalement et efficacement grâce à l’aide d’un pays colonisateur qui avait déjà connu cette situation en période de décolonisation, la France. La France était alors en pleine réflexion sur la manière de faire la guerre dans ces situations de guérilla et offrit ses services aux gouvernements en place, notamment sur les techniques de torture. Les régimes qui bénéficient alors de la chute des guérillas sont des régimes militaires qui vont se construire contre ces mouvements et vont employer tout les moyens pour exterminer les guérilleros.

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