Le sceau de Saint Rémi qui baptisa Clovis
2.
L’évêque au service du roi
En plus, d’avoir un seul évêque
par cité et que leur pouvoir soit contrebalancé par celui du comte, le roi va
redéfinir le rôle des évêques.
Cela est très clair dans le capitulaire particulièrement long de Charlemagne en 789,
l’Admonitio Generalis. Il
y reconnaît le rôle très important des évêques puis énonce les principes
auxquels les évêques doivent se tenir. D’abord
s’occuper du clergé sous leurs ordres ainsi que des Chrétiens qu’ils ont en
charge. L’évêque est responsable des âmes de son diocèse. Il est le seul à
avoir entière autorité sur ces Chrétiens. Il
a des cérémonies qui lui sont réservées, la confirmation du baptême par
exemple est à sa charge et l’évêque doit faire le tour de son diocèse pour
effectuer ce travail auprès des jeunes qui confirment leur engagement chrétien.
On a aussi la consécration des églises notamment de l’autel et l’ordination des
prêtres. La présence épiscopale est indispensable et sans cesse affirmée. Cela
se confirme avec la diffusion du Pontifical,
manuel liturgique qui apparaît au IX° siècle et est à destination des prêtres.
Le roi souligne aussi les
interdictions des prêtres. D’abord ils ne peuvent être le vassal de personne, d’aucun laïc, excepté le roi
qui jouit d’un statut particulier. De plus, les évêques doivent au roi un
service : le servitium, ce que doivent les non-libres au roi. Les évêques
ayant des vassaux laïcs par leurs terres immenses, ils doivent envoyer ces
vassaux auprès du roi lorsque ce dernier le demande. Après les évêques doivent parfois se rendre sur le champ de bataille
sans pour autant forcément combattre. En effet, les évêques bénissent les
armées et certains sont des guerriers, particulièrement fin IX° siècle avec de
grands évêques guerriers. Les évêques doivent aussi conseiller le roi, c’est un deuxième service. Enfin troisième
service, les églises épiscopales servent
de relais et d’hébergement pour le roi et son personnel. Les évêques ne
peuvent refuser l’accueil du roi et de ses envoyés. Cela est terrible lorsque
le roi arrive avec sa cour. Enfin ultime
service, les évêques peuvent être missionner comme missi dominici par le roi.
On a donc une contradiction entre
la fonction primordiale des évêques de sauver leur peuple et de devoir répondre
au service du roi.
Du coup, on a encore des écrits d’évêques demandant au roi d’alourdir leurs
tâches. L’évêque devient le personnage
principal du royaume. On a la constitution d’un véritable service royal
contrôlé par le roi qui choisi les évêques en dépit de la loi cléricale qui
déclare que l’évêque doit être élu par le peuple et le clergé. A l’époque de
Charlemagne, ce n’est jamais le cas puisque les rois estiment que l’évêque à
une tâche très honorifique et à vie. Donc il fallait choisir des évêques dont
on serait sûr. A l’époque de Charles Martel,
le roi choisit ses propres parents pour faire des évêques ou bien des proches.
Peu importe les connaissances religieuses des nouveaux nommés. D’où la réforme
de Boniface,
qui veut moraliser les évêques. C’est sous Pépin le Bref qu’on commence à
nommer des évêques élevés dans un cadre religieux, sous Charlemagne les
jeunes ecclésiastiques sont souvent issus de la cour du roi, pépinière de laïcs
et d’ecclésiastiques. Du coup, le statut
des évêques évolue, de jeunes clercs commencent à venir de tous milieux en
particulier du milieu servile. Ebbon de Reims, un cas assez extrême, était le
fils de la nourrice de Charlemagne. On commence à choisir les évêques pour
leurs compétences et moins pour leurs qualités.
3.
Redéfinition de l’office épiscopal sous Louis le Pieux
Cette
redéfinition nous vient de deux textes : un capitulaire non daté dit le
capitulaire de 823 – 825 et le canon du
concile de Péris en 829. Dans ces textes, on
découvre le nouveau modèle épiscopal proposé par le roi et les évêques. C’est un ensemble cohérent qui ne se fonde pas
sur des valeurs aristocratiques habituelles. En effet, les évêques ne doivent
pas rechercher les honneurs et ils sont au service de la société. De ce
fait, les évêques ne doivent pas se comporter de manière tyrannique sur les
hommes que Dieu leur a confiés. De plus, ils doivent savoir qu’ils seront responsables des hommes lors du
jugement dernier. Les évêques sont donc responsabilisés. D’où le fait que les
évêques vont développer les pénitences y compris lors de la déposition de
Louis le Pieux où ils s’appuieront sur ce texte, considérant qu’ils ont un
pouvoir sur le roi.
Ce qui justifie cette prétention
des évêques c’est leurs compétences spirituelles, non pas le mérite qu’ils ont
pu hériter de leurs parents,
non pas un mérite personnel. C’est surtout dans le royaume occidental que les
évêques ne viennent pas que des grandes familles mais sont bien des
représentants de Dieu devant guidés les Chrétiens, … C’est typiquement le cas
d’Hincmar de Reims qui a admonesté Louis le
Germanique.
L’évêque est donc le personnage
incontournable, la pierre angulaire de l’édifice construit par les
Carolingiens.
Mais il n’est pas tout seul, il travaille dans une hiérarchie restaurée par les
Carolingiens.
II.
Le renforcement de
la hiérarchie ecclésiastique
1.
L’institution des archevêques
Sous l’impulsion de Boniface, on
réactive la hiérarchie ecclésiastique avec des échelons supérieurs. Auparavant on avait des évêques métropolitains mais dorénavant la
fonction change. L’archevêque est supérieur aux évêques et surtout il tient son
autorité du pape par le pallium qu’il ait allé chercher à Rome. Mettre en
place des archevêques, c’est mettre en place des provinces ecclésiastiques, instaurées
sous le règne de Charlemagne. 21 provinces ecclésiastiques sont crées
auxquelles Charlemagne cède des biens. En revanche, on ne sait pas toujours
comment s’est fait le découpage. Les quelques éléments qu’on a conservé
montrent que ce n’est pas facile. Certaines églises se disent descendante d’un
apôtre, d’autres se fondent sur la sainteté des premiers évêques, d’autres se
fondent sur leur richesse, … On connaît
pas mal de conflits qui eurent lieu sur ce découpage.
L’archevêque n’a pas une mission
très claire. Ses
prérogatives et sa supériorité ne sont pas du tout clairement établie. Hincmar
illustre bien cette ambiguïté.
2.
Un archevêque exemplaire : Hincmar de Reims
La province de Reims fut sans
doute pionnière dans ce domaine. Hincmar ayant laissé une œuvre considérable avec des textes de toutes natures :
textes politiques, religieux, liturgiques (sacre de la reine), annales du
royaume, … Il est aussi celui qui
justifia que l’église de Reims était la première du royaume. Il a construit
cela sur l’imaginaire de Saint Rémi, évêque sous Clovis, le premier à avoir
évoqué la sainte ampoule. Rémi aurait baptisé Clovis mais cela étant très
important, il y avait une foule compacte qui risquait de renverser l’huile
d’onction. Heureusement, le saint esprit sous forme de colombe vint lui déposer
une ampoule d’huile sainte dans les
mains pour baptiser Clovis. Par cette histoire, l’église de Reims impose son
monopole en sacrant avec cette ampoule tout les rois depuis les Francs.
Le souci c’est que les archevêques
n’ont pas d’antériorité doctrinale. On peut trouver dans les évangiles des
traces des évêques ou du pape, mais pas des archevêques. Hincmar va défendre
l’idée que l’archevêque est là pour représenter le pape et donc a une autorité
disciplinaire. Ainsi les évêques d’une même province doivent être convoqués au
moins une fois par an par l’archevêque
(on parle de suffragants de l’archevêque). Au final, un évêque entrera en
conflit directement avec Hincmar qui destitua Rothade
de Soissons, mais le pape intervint et pris parti pour Rothade.
L’évêque n’a donc pas toute sa puissance.
3.
L’essor de l’autorité du pape
Cet essor est évident surtout
dans la seconde moitié du IX° siècle. Cela
se fait par soutien des évêques qui opposé aux archevêques vont consolider la
position du pape. Ainsi, on a un immense travail de construction de faux
documents par les évêques : les Fausses Décrétales entre 846 – 862.
Cela se fit dans la région de Reims, de Metz, … C’est la construction de
lettres prétendument des papes des premiers temps du christianisme. Ainsi, ces
fausses décrétales, jugées vraies pour l’époque car les faussaires avaient un
certain talent d’imitation, ont permis de renforcer
les évêques dans leur diocèse d’une part contre les archevêques et d’autre part
contre les pressions des autorités laïques. L’argument récurrent des faussaires
est que seul le pape a réellement un pouvoir de décision quand cela touche aux
évêques. Rothade de Soissons a certainement apporté ces Fausses décrétales
au pape, pas inventé puisqu’elles devaient lui être antérieures, qui va par la
suite largement s’appuyer dessus.
Ainsi
sous Nicolas
I (858 – 867) et Jean VIII (872 – 882) vont être les premiers a
réellement usés d’un pouvoir de supériorité. Le pape restant une autorité lointaine, il n’est appelé qu’en dernier
recours. Par contre il joue un rôle majeur depuis Léon III concernant le choix
de l’empereur. Si son autorité est reconnue, on est encore loin d’une
église entièrement dirigée par Rome. Cela ne se fera qu’avec la réforme
grégorienne seconde moitié du XI° siècle.
4.
Les conciles, les synodes
Les conciles sont des assemblées
d’évêques essentielles. Elles représentent les réunions des apôtres et donc les décisions prises se
font sous l’insigne de l’esprit saint, le Christ est là pour guider le choix
des évêques selon les évangiles. Les
décisions sont prises uniquement à l’unanimité. L’Eglise représente alors tout
les Chrétiens « sans couture ».
Les conciles sont importants
aussi puisque les Carolingiens s’appuient largement dessus avec au moins 220 conciles
recensés sous l’époque carolingienne. Les
plus importants sont ceux fait sur convocation du roi, non pas en ce que le
roi est sacré, mais parce qu’il est le princeps,
le premier des Chrétiens. En général, le
roi convoque le concile en même temps que l’assemblée des Grands laïcs.
Charlemagne en 794 réunit un concile énorme
à Francfort où le roi pris de nombreuses mesures.
Parallèlement, il y a de plus
petits conciles qui sont organisés par l’Eglise. Les décisions qui y sont
prises sont des capitulaires épiscopaux. Le but est
de conserver la législation de l’Eglise et de la diffuser auprès des
ecclésiastiques, cela se fait avec des compilations canoniques qui représentent
une forme de législation propre à l’épiscopat. L’évêque cherche ainsi à
renforcer son contrôle sur la société et son clergé.
III.
Le clergé sous le
contrôle de l’évêque
L’évêque doit déjà effectuer une
visite pastorale
pour vérifier que les prêtres sur le terrain effectuent correctement leur
office. Les exigences sont faibles, le prêtre doit connaître le
« Crédo » et le « Notre Père », connaître le latin, le calendrier
liturgique (qui fixe les fêtes, les temps de pénitence, …) et les chants des
psaumes. L’évêque doit donc faire cette
tournée, mais il doit aussi convoquer les prêtres le jeudi saint, la veille
de la crucifixion du Christ. A cette
occasion, l’évêque fournit la sainte crème aux prêtres qui peuvent alors donner
l’onction aux malades. Enfin, l’évêque doit s’assurer de la vie pieuse et
chaste des prêtres.
1.
Les capitulaires épiscopaux
Les capitulaires doivent corriger
ce qui ne va pas dans le royaume et corriger ce qui ne plaît pas à Dieu. Ces
capitulaires épiscopaux, les évêques les font circuler entre la cour et les
diocèses, entre le diocèse et les églises paroissiales, entre le haut et le bas
clergé. Ce genre
de texte apparaît entre 800 et 820 et le premier
connu est celui de Théodulfe d’Orléans, sous Charlemagne. Les plus
nombreux sont parus entre 850 et 875.
De
nouveau ce sont des textes contenant la loi de l’église et qui vont ensuite
disparaître. Ces capitulaires vont
donner un code de conduite au clergé séculier. C’est un moyen de mieux
contrôler le clergé séculier souvent loin. L’évêque exhorte les membres du
clergé séculier à répandre la parole de Dieu et c’est une nouveauté. En effet, cette tâche était encore dévolue
aux évêques auparavant. Dorénavant la prédication pour les Carolingiens
devient le seul moyen de convertir honnêtement une population. Mais cela est
long, du coup, la prédication passe
aussi par les prêtres en langue vernaculaire et non en latin car sinon, on
ne pourrait transmettre de manière intelligible la parole de Dieu. Le prêtre acquiert alors la responsabilité
du salut de ses paroissiens. Plusieurs épiscopaux signalent aussi qu’un prêtre
doit être disponible 24h sur 24h.
Ainsi les prêtres carolingiens
voient dans la fonction du prêtre un ministère, ce qui est aussi la définition
royale et épiscopale. La société chrétienne est donc perçue comme un ensemble
de ministères au service de la société. Cette conception typique vient du fait
qu’on est dans une société théocratique et quiconque tient un pouvoir le tien de Dieu avant
tout. C’est une promotion du rôle du prêtre dans la société.
2.
Les clercs dans l’entourage de l’évêque
Dans l’église cathédrale, on
trouve donc des clercs, qui aident à l’office de l’évêque et qui vivent
ensemble dans la maison de l’évêque. Sous Chrodegang, on tente de préciser ce
mode de vie. Il va produire la réforme canoniale (de chanoine, canonicus) d’abord sur l’épiscopat de
Reims puis sur tout le royaume. L’ensemble des clercs doivent se soumettre à
une règle commune, celle d’avoir une vie
commune. Ainsi dans certaines villes ont voit la spécialisation de certains
quartiers de chanoines. On voit aussi apparaître l’archidiacre, le bras
droit de l’évêque qui dirige l’épiscopat en l’absence (courante) des évêques.
Ces chanoines viennent
généralement de familles de la très haute aristocratie avec de nombreux clercs venus de
familles très élevées et beaucoup de gens proches parents de l’évêque en place.
Ainsi dans les chanoines ont trouve toujours des neveux de l’évêque. Certains
garçons devaient être destinés à la vie ecclésiastique et cela se voyait dans
les noms (Hincmar de Laon). Il y avait
tout un système de promotion des ecclésiastiques via l’entourage des évêques en
poste et cela bénéficiait à la famille. C’est donc une pratique de népotisme
(de nepos, neveu). Dans ce système
médiéval c’est une bonne valeur, on doit soutenir sa famille.
L’époque carolingienne fut un
moment fort dans l’organisation ecclésiastique et on voit émerger dans la
société les clercs comme un ordre particulier et nettement séparé du monde
laïc. Il y a un
effort de conception de ce qu’est la société, sa structure et sa hiérarchie.
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