samedi 19 mai 2012

Médiévale 10 - 05 (cours 11, fin)

Précédemment : Médiévale 07 - 05


Le sceau de Saint Rémi qui baptisa Clovis


2.      L’évêque au service du roi

En plus, d’avoir un seul évêque par cité et que leur pouvoir soit contrebalancé par celui du comte, le roi va redéfinir le rôle des évêques. Cela est très clair dans le capitulaire particulièrement long de Charlemagne en 789, l’Admonitio Generalis. Il y reconnaît le rôle très important des évêques puis énonce les principes auxquels les évêques doivent se tenir. D’abord s’occuper du clergé sous leurs ordres ainsi que des Chrétiens qu’ils ont en charge. L’évêque est responsable des âmes de son diocèse. Il est le seul à avoir entière autorité sur ces Chrétiens. Il a des cérémonies qui lui sont réservées, la confirmation du baptême par exemple est à sa charge et l’évêque doit faire le tour de son diocèse pour effectuer ce travail auprès des jeunes qui confirment leur engagement chrétien. On a aussi la consécration des églises notamment de l’autel et l’ordination des prêtres. La présence épiscopale est indispensable et sans cesse affirmée. Cela se confirme avec la diffusion du Pontifical, manuel liturgique qui apparaît au IX° siècle et est à destination des prêtres.
Le roi souligne aussi les interdictions des prêtres. D’abord ils ne peuvent être le vassal de personne, d’aucun laïc, excepté le roi qui jouit d’un statut particulier. De plus, les évêques doivent au roi un service : le servitium, ce que doivent les non-libres au roi. Les évêques ayant des vassaux laïcs par leurs terres immenses, ils doivent envoyer ces vassaux auprès du roi lorsque ce dernier le demande. Après les évêques doivent parfois se rendre sur le champ de bataille sans pour autant forcément combattre. En effet, les évêques bénissent les armées et certains sont des guerriers, particulièrement fin IX° siècle avec de grands évêques guerriers. Les évêques doivent aussi conseiller le roi, c’est un deuxième service. Enfin troisième service, les églises épiscopales servent de relais et d’hébergement pour le roi et son personnel. Les évêques ne peuvent refuser l’accueil du roi et de ses envoyés. Cela est terrible lorsque le roi arrive avec sa cour. Enfin ultime service, les évêques peuvent être missionner comme missi dominici par le roi.

On a donc une contradiction entre la fonction primordiale des évêques de sauver leur peuple et de devoir répondre au service du roi. Du coup, on a encore des écrits d’évêques demandant au roi d’alourdir leurs tâches. L’évêque devient le personnage principal du royaume. On a la constitution d’un véritable service royal contrôlé par le roi qui choisi les évêques en dépit de la loi cléricale qui déclare que l’évêque doit être élu par le peuple et le clergé. A l’époque de Charlemagne, ce n’est jamais le cas puisque les rois estiment que l’évêque à une tâche très honorifique et à vie. Donc il fallait choisir des évêques dont on serait sûr. A l’époque de Charles Martel, le roi choisit ses propres parents pour faire des évêques ou bien des proches. Peu importe les connaissances religieuses des nouveaux nommés. D’où la réforme de Boniface, qui veut moraliser les évêques. C’est sous Pépin le Bref qu’on commence à nommer des évêques élevés dans un cadre religieux, sous Charlemagne les jeunes ecclésiastiques sont souvent issus de la cour du roi, pépinière de laïcs et d’ecclésiastiques. Du coup, le statut des évêques évolue, de jeunes clercs commencent à venir de tous milieux en particulier du milieu servile. Ebbon de Reims, un cas assez extrême, était le fils de la nourrice de Charlemagne. On commence à choisir les évêques pour leurs compétences et moins pour leurs qualités.


3.      Redéfinition de l’office épiscopal sous Louis le Pieux

Cette redéfinition nous vient de deux textes : un capitulaire non daté dit le capitulaire de 823 – 825 et le canon du concile de Péris en 829. Dans ces textes, on découvre le nouveau modèle épiscopal proposé par le roi et les évêques. C’est un ensemble cohérent qui ne se fonde pas sur des valeurs aristocratiques habituelles. En effet, les évêques ne doivent pas rechercher les honneurs et ils sont au service de la société. De ce fait, les évêques ne doivent pas se comporter de manière tyrannique sur les hommes que Dieu leur a confiés. De plus, ils doivent savoir qu’ils seront responsables des hommes lors du jugement dernier. Les évêques sont donc responsabilisés. D’où le fait que les évêques vont développer les pénitences y compris lors de la déposition de Louis le Pieux où ils s’appuieront sur ce texte, considérant qu’ils ont un pouvoir sur le roi.
Ce qui justifie cette prétention des évêques c’est leurs compétences spirituelles, non pas le mérite qu’ils ont pu hériter de leurs parents, non pas un mérite personnel. C’est surtout dans le royaume occidental que les évêques ne viennent pas que des grandes familles mais sont bien des représentants de Dieu devant guidés les Chrétiens, … C’est typiquement le cas d’Hincmar de Reims qui a admonesté Louis le Germanique.
L’évêque est donc le personnage incontournable, la pierre angulaire de l’édifice construit par les Carolingiens. Mais il n’est pas tout seul, il travaille dans une hiérarchie restaurée par les Carolingiens.


II.                   Le renforcement de la hiérarchie ecclésiastique

1.      L’institution des archevêques

Sous l’impulsion de Boniface, on réactive la hiérarchie ecclésiastique avec des échelons supérieurs. Auparavant on avait des évêques métropolitains mais dorénavant la fonction change. L’archevêque est supérieur aux évêques et surtout il tient son autorité du pape par le pallium qu’il ait allé chercher à Rome. Mettre en place des archevêques, c’est mettre en place des provinces ecclésiastiques, instaurées sous le règne de Charlemagne. 21 provinces ecclésiastiques sont crées auxquelles Charlemagne cède des biens. En revanche, on ne sait pas toujours comment s’est fait le découpage. Les quelques éléments qu’on a conservé montrent que ce n’est pas facile. Certaines églises se disent descendante d’un apôtre, d’autres se fondent sur la sainteté des premiers évêques, d’autres se fondent sur leur richesse, … On connaît pas mal de conflits qui eurent lieu sur ce découpage.
L’archevêque n’a pas une mission très claire. Ses prérogatives et sa supériorité ne sont pas du tout clairement établie. Hincmar illustre bien cette ambiguïté.

2.      Un archevêque exemplaire : Hincmar de Reims

La province de Reims fut sans doute pionnière dans ce domaine. Hincmar ayant laissé une œuvre considérable avec des textes de toutes natures : textes politiques, religieux, liturgiques (sacre de la reine), annales du royaume, … Il est aussi celui qui justifia que l’église de Reims était la première du royaume. Il a construit cela sur l’imaginaire de Saint Rémi, évêque sous Clovis, le premier à avoir évoqué la sainte ampoule. Rémi aurait baptisé Clovis mais cela étant très important, il y avait une foule compacte qui risquait de renverser l’huile d’onction. Heureusement, le saint esprit sous forme de colombe vint lui déposer une ampoule d’huile sainte dans les mains pour baptiser Clovis. Par cette histoire, l’église de Reims impose son monopole en sacrant avec cette ampoule tout les rois depuis les Francs.
Le souci c’est que les archevêques n’ont pas d’antériorité doctrinale. On peut trouver dans les évangiles des traces des évêques ou du pape, mais pas des archevêques. Hincmar va défendre l’idée que l’archevêque est là pour représenter le pape et donc a une autorité disciplinaire. Ainsi les évêques d’une même province doivent être convoqués au moins une fois par an par l’archevêque (on parle de suffragants de l’archevêque). Au final, un évêque entrera en conflit directement avec Hincmar qui destitua Rothade de Soissons, mais le pape intervint et pris parti pour Rothade. L’évêque n’a donc pas toute sa puissance.

3.      L’essor de l’autorité du pape

Cet essor est évident surtout dans la seconde moitié du IX° siècle. Cela se fait par soutien des évêques qui opposé aux archevêques vont consolider la position du pape. Ainsi, on a un immense travail de construction de faux documents par les évêques : les Fausses Décrétales entre 846 – 862. Cela se fit dans la région de Reims, de Metz, … C’est la construction de lettres prétendument des papes des premiers temps du christianisme. Ainsi, ces fausses décrétales, jugées vraies pour l’époque car les faussaires avaient un certain talent d’imitation, ont permis de renforcer les évêques dans leur diocèse d’une part contre les archevêques et d’autre part contre les pressions des autorités laïques. L’argument récurrent des faussaires est que seul le pape a réellement un pouvoir de décision quand cela touche aux évêques. Rothade de Soissons a certainement apporté ces Fausses décrétales au pape, pas inventé puisqu’elles devaient lui être antérieures, qui va par la suite largement s’appuyer dessus.

Ainsi sous Nicolas I (858 – 867) et Jean VIII (872 – 882) vont être les premiers a réellement usés d’un pouvoir de supériorité. Le pape restant une autorité lointaine, il n’est appelé qu’en dernier recours. Par contre il joue un rôle majeur depuis Léon III concernant le choix de l’empereur. Si son autorité est reconnue, on est encore loin d’une église entièrement dirigée par Rome. Cela ne se fera qu’avec la réforme grégorienne seconde moitié du XI° siècle.

4.      Les conciles, les synodes

Les conciles sont des assemblées d’évêques essentielles. Elles représentent les réunions des apôtres et donc les décisions prises se font sous l’insigne de l’esprit saint, le Christ est là pour guider le choix des évêques selon les évangiles. Les décisions sont prises uniquement à l’unanimité. L’Eglise représente alors tout les Chrétiens « sans couture ».
Les conciles sont importants aussi puisque les Carolingiens s’appuient largement dessus avec au moins 220 conciles recensés sous l’époque carolingienne. Les plus importants sont ceux fait sur convocation du roi, non pas en ce que le roi est sacré, mais parce qu’il est le princeps, le premier des Chrétiens. En général, le roi convoque le concile en même temps que l’assemblée des Grands laïcs. Charlemagne en 794 réunit un concile énorme à Francfort où le roi pris de nombreuses mesures.
Parallèlement, il y a de plus petits conciles qui sont organisés par l’Eglise. Les décisions qui y sont prises sont des capitulaires épiscopaux. Le but est de conserver la législation de l’Eglise et de la diffuser auprès des ecclésiastiques, cela se fait avec des compilations canoniques qui représentent une forme de législation propre à l’épiscopat. L’évêque cherche ainsi à renforcer son contrôle sur la société et son clergé.

III.                Le clergé sous le contrôle de l’évêque

L’évêque doit déjà effectuer une visite pastorale pour vérifier que les prêtres sur le terrain effectuent correctement leur office. Les exigences sont faibles, le prêtre doit connaître le « Crédo » et le « Notre Père », connaître le latin, le calendrier liturgique (qui fixe les fêtes, les temps de pénitence, …) et les chants des psaumes. L’évêque doit donc faire cette tournée, mais il doit aussi convoquer les prêtres le jeudi saint, la veille de la crucifixion du Christ. A cette occasion, l’évêque fournit la sainte crème aux prêtres qui peuvent alors donner l’onction aux malades. Enfin, l’évêque doit s’assurer de la vie pieuse et chaste des prêtres.

1.      Les capitulaires épiscopaux

Les capitulaires doivent corriger ce qui ne va pas dans le royaume et corriger ce qui ne plaît pas à Dieu. Ces capitulaires épiscopaux, les évêques les font circuler entre la cour et les diocèses, entre le diocèse et les églises paroissiales, entre le haut et le bas clergé. Ce genre de texte apparaît entre 800 et 820 et le premier connu est celui de Théodulfe d’Orléans, sous Charlemagne. Les plus nombreux sont parus entre 850 et 875.

De nouveau ce sont des textes contenant la loi de l’église et qui vont ensuite disparaître. Ces capitulaires vont donner un code de conduite au clergé séculier. C’est un moyen de mieux contrôler le clergé séculier souvent loin. L’évêque exhorte les membres du clergé séculier à répandre la parole de Dieu et c’est une nouveauté. En effet, cette tâche était encore dévolue aux évêques auparavant. Dorénavant la prédication pour les Carolingiens devient le seul moyen de convertir honnêtement une population. Mais cela est long, du coup, la prédication passe aussi par les prêtres en langue vernaculaire et non en latin car sinon, on ne pourrait transmettre de manière intelligible la parole de Dieu. Le prêtre acquiert alors la responsabilité du salut de ses paroissiens. Plusieurs épiscopaux signalent aussi qu’un prêtre doit être disponible 24h sur 24h.
Ainsi les prêtres carolingiens voient dans la fonction du prêtre un ministère, ce qui est aussi la définition royale et épiscopale. La société chrétienne est donc perçue comme un ensemble de ministères au service de la société. Cette conception typique vient du fait qu’on est dans une société théocratique et quiconque tient un pouvoir le tien de Dieu avant tout. C’est une promotion du rôle du prêtre dans la société.

2.      Les clercs dans l’entourage de l’évêque

Dans l’église cathédrale, on trouve donc des clercs, qui aident à l’office de l’évêque et qui vivent ensemble dans la maison de l’évêque. Sous Chrodegang, on tente de préciser ce mode de vie. Il va produire la réforme canoniale (de chanoine, canonicus) d’abord sur l’épiscopat de Reims puis sur tout le royaume. L’ensemble des clercs doivent se soumettre à une règle commune, celle d’avoir une vie commune. Ainsi dans certaines villes ont voit la spécialisation de certains quartiers de chanoines. On voit aussi apparaître l’archidiacre, le bras droit de l’évêque qui dirige l’épiscopat en l’absence (courante) des évêques.

Ces chanoines viennent généralement de familles de la très haute aristocratie avec de nombreux clercs venus de familles très élevées et beaucoup de gens proches parents de l’évêque en place. Ainsi dans les chanoines ont trouve toujours des neveux de l’évêque. Certains garçons devaient être destinés à la vie ecclésiastique et cela se voyait dans les noms (Hincmar de Laon). Il y avait tout un système de promotion des ecclésiastiques via l’entourage des évêques en poste et cela bénéficiait à la famille. C’est donc une pratique de népotisme (de nepos, neveu). Dans ce système médiéval c’est une bonne valeur, on doit soutenir sa famille.


L’époque carolingienne fut un moment fort dans l’organisation ecclésiastique et on voit émerger dans la société les clercs comme un ordre particulier et nettement séparé du monde laïc. Il y a un effort de conception de ce qu’est la société, sa structure et sa hiérarchie.

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