Boudica en révolte
Contrôle des provinces, violences et résistances
Si
cette période fonctionne bien pour l’Empire, il y a cependant des zones
d’agitation, malgré tout.
I.
Le maintien de
l’ordre dans les provinces
1.
La composition de l’armée romaine
L’armée romaine est composée à
moitié de citoyens romains et à moitié de non-citoyens. D’une part, on trouve les légions romaines composées
uniquement de citoyens, héritage de l’armée civique bien qu’à cette époque, les
soldats sont des volontaires qui sont engagés pour 20 ans. Chaque légion est
une unité autonome composée de 5 500 hommes. C’est une petite armée avec
son infanterie, ses cavaliers, ses spécialistes, … Le nombre de légions dans
notre période diminue sous Auguste qui les fait passer de 60 à 18. Puis cela
réaugmente lentement depuis la fin du règne d’Auguste. Fin du I° siècle elles
seront une trentaine, 33 sous Caracalla.
La
légion est commandée par un sénateur, le
légat, assisté par 6 officiers supérieurs les tribuns composés d’un
sénateur et de 5 chevaliers. Enfin on trouve un préfet de camp pour les
questions matérielles. C’est le groupe des officiers supérieurs.
En
dessous, on trouve les centurions à la
tête des centuries. Dans une légion on trouve plusieurs centuries. 6
centuries forment une cohorte, 10 cohortes forment une légion. Chaque légion à un surnom et un numéro avec
une forte identité. Ainsi en Afrique proconsulaire, on trouve pendant
plusieurs siècles la même légion : la légion Augusta. Il y a un très fort
esprit de corps avec leurs propres symboles religieux, les aigles. C’est un
esprit de corps très important avec des légionnaires pas trop mal payés. Le
légionnaire de base est payé 1 000 à 1 200 sesterces par an, trois
fois celui d’un artisan de Pompéi.
Avec
cela, on recrute tout les ans entre 9 000 et 14 000 personnes pour
compenser les départs. Or plusieurs
sources révèlent que le volontariat pur ne suffit pas. Ainsi, il y a une
solution qui demande aux cités de l’empire de fournir des légionnaires à
l’armée romaine. Une autre solution est de faire des pérégrins des citoyens
temporaires en les engageant dans l’armée. La pression d’engagement n’est
pas très forte, en revanche, elle n’est pas fluide.
De plus sous Auguste,
on a une différence entre Orient et Occident, les légionnaires occidentaux
étant surtout Italiens avant de diminuer progressivement au profit des citoyens
romains provinciaux alors qu’en Orient les légions sont davantage recrutées sur
place. Avec des spécialisations régionales dans tout l’empire. Les Gaulois sont souvent
envoyés en Afrique. En Orient, les troupes viennent surtout du centre de
l’Anatolie, la Galacie. A partir des
Flaviens, la différence Orient – Occident s’atténue et le recrutement se fait
de plus en plus localement. On a donc moins d’Italiens mais plus de
recrutements dans les zones frontières. Ainsi, les Gaulois seront moins
recrutés en Gaule, davantage en Germanie. On intègre moins d’Italiens et plus
de provinciaux dans un usage local.
Une seconde partie de l’armée est
composée de non-citoyens. On parle de troupes auxiliaires. Elles ne sont pas organisées en
légions, ce sont des unités de 500 ou 1 000 pérégrins qui doivent aider
les légions. Les troupes sont plus petites, armées plus légèrement ou bien sont
constituées de cavaliers. Elles sont rattachées aux légions pour les aider.
Ces
troupes peuvent être interprétées soit comme une troupe qui conserve son nom
d’origine ethnique (Cohorte des Bataves). Mais il y a un aspect d’intégration,
puisqu’après leur mobilisation, ils
deviennent citoyens romains. Ils servent plus longtemps que les
légionnaires, sont moins payés, … Mais leur horizon est de devenir citoyen. C’est à la fois une forme d’impôt et
d’intégration. La tendance est là aussi de les utiliser localement pour
maintenir l’ordre sur place. Ainsi en Mauretanie, jusqu’à Trajan
les auxiliaires sont tous d’origines étrangères. Passé Trajan, la politique
change et le recrutement local se maintient sur place. Sur le Rhin en revanche,
on prélève localement les auxiliaires dès le départ.
Un
cas particulier est celui des numeri, des troupes auxiliaires qui
conservent leur armement traditionnel. Leur spécialisation en faisait des
troupes très utiles transportées dans tout l’Empire comme les archers
palmyréniens.
Cela
permet donc à Rome de permettre le maintien de la paix dans les provinces, tout
en assurant un moyen d’intégration et d’ascension sociale. Au total on pense
qu’il existait selon les périodes 300 000 à 500 000 personnes.
2.
Une répartition inégale des troupes
Les troupes sont surtout
présentes dans les zones frontalières avec des armées actives par endroits, ou
des armées de surveillance et de romanisation dans les zones avec peu de
conflits. Ainsi
la zone rhéno-danubienne concentre énormément de légions tandis que par
endroits, il n’y a guère de légions (Espagne, Afrique : une légion ;
Asie Mineure : aucune légion, Bretagne, Syrie, Judée, Cappadoce :
plusieurs légions).
Ces
légions vont parfois beaucoup influencer les régions. Ainsi en Germanie sur le limes on a beaucoup de forts et à
l’arrière des camps plus longuement installés. Pendant près de deux siècles ces
camps se maintiennent pour surveiller la frontière et transformer les zones
frontalières. Certains camps vont
développer les villes alentours voire devenir des villes. L’armée transmet la
romanisation. Le camp de Xanten va déplacer de manière forcée les
populations alentours près du camp pour les surveiller tout en espérant le camp
et le village. Lors de l’année 68 – 69, les
populations détruisent le camp, elles se révoltent comme les légions sur place.
Sous les Flaviens, Castra Vetera II
est reconstruit ailleurs et la répression est sévère. A cette même époque, avec
l’apaisement, le camp s’éloigne et sous Trajan, une colonie romaine est fondée
regroupant les armées et les populations. La colonie a son forum, son
amphithéâtre, … Trajan mise sur
l’intégration plus que sur la répression. Certes c’est toujours un moyen de
surveillance mais cela permet une méthode plus douce qui va porter ses fruits.
De telles situations sont courantes dans la Germanie.
Strasbourg,
anciennement Argentorate, fut toujours un camp et jamais une cité. Ce camp initié
par Drusus n’hébergeait qu’une légion et était loin de la frontière. Une out
les camps loin des zones frontières, les soldats y installent probablement leur
famille en dépit de l’interdiction. On
est donc dans une zone intermédiaire entre la vie civile et municipale.
En revanche, dans les zones avec
beaucoup d’opérations militaires, c’est plus tendu. La Bretagne sera la seule
région où l’armée romaine a marqué la frontière avec une construction continue
: le mur d’Hadrien.
Là encore on retrouve les forts sur la frontière et les camps en retrait. On
trouve là-bas peu d’influence romaine : peu de monnaie, de brassage de
populations, d’œuvres architecturales, …
En Afrique, on trouve un cas
intermédiaire. Intégration et répression sont partagées. Des routes sont disposées pour
lier les forts et les camps dans le but de surveiller les populations nomades
et semi-nomades. C’est une des régions avec beaucoup de révoltes et la
surveillance est accrue. Cette zone frontalière peu soumise avec des révoltes
au II° siècle avec les tribus maures qui
parviennent même à faire un raid en Espagne dans les années
170. L’armée y est donc assez répressive. En revanche, par rapport à la
Bretagne, Rome trouve sur place des auxiliaires.
Les autres régions peu chargées
en légions sont plus stables mais on peut y envoyer rapidement les légions
alentours. De plus, on garde des troupes auxiliaires sur place. En Gaule, une cohorte se déplace
pour répondre en cas de problème.
Ainsi
l’armée peut avoir plusieurs rôles et effets. L’empereur, chef militaire
suprême est en charge de mener les grandes campagnes militaires, de démobiliser
les vétérans et de faire des dons à l’armée.
3.
Les autres formes de maintien de l’ordre
Tout d’abord les gouverneurs de
provinces ont des soldats sous leurs ordres mais cela semble assez faible vu les écrits de Pline à Trajan.
On pense que les cités avaient en charge
le maintien de l’ordre. En Orient, on a des magistrats contrôlant les
forces de police locales : les
irénarques. En Occident, les équivalents sont les édiles. Le personnel de base est alors dans la cité, même si
les exécutions reviennent au moins au choix du gouverneur. Cela permet une
économie de moyens pour l’Empire, qui s’occupe uniquement des cas graves. Le
pouvoir romain n’est pas un pouvoir militaire omniprésent. C’est un élément de
romanisation de plus.
II.
Troubles et
révoltes dans les provinces
1.
Une insécurité endémique ?
Dans
l’antiquité, on est dans un monde de cités et traditionnellement, on voyageur
qui traverse l’Empire a des risques d’agression assez élevés. Le monde romain est plutôt dangereux
même s’il existe une période de paix dans l’Empire sur ce plan. Ainsi sur les
voyages par mer, les Romains ont
réellement éradiqué la piraterie malgré quelques zones dangereuses. Par contre,
on peut encore être réduit en esclavage. L’Empire n’assure pas la protection du
statut, la déchéance est possible même si le premier et le second siècles
sont bien moins dangereux. Idem concernant l’insécurité des campagnes.
Après les années 180, on a plus d’insécurité avec une période de crise
(peste, brigandage, conflits, …). Cela
se double de plus, d’un problème de sources peu nombreuses très embellies
et proches du style des romans. Selon Apulée, la plus grande peur restant la déchéance
du statut.
2.
Protestations et émeutes
La plupart des émeutes sous
l’Empire sont dirigées soit contre la fiscalité et les abus des gouverneurs,
soit contre les autorités locales
(civiques ou municipales). Sur le plan local, certaines régions sont des
populations urbaines réactives. Ainsi, les pouvoirs locaux ont tendance à voir
des émeutes courantes contre les notables qui spéculent sur les matières
premières en cas de famine, … C’est
surtout le cas en Orient, peut être sous l’effet des sources aussi. Les émeutes
semblent surtout urbaines puisqu’on a facilement la création d’associations de
citoyens. Du coup, l’Empire condamne ses associations de peur du risque
d’agitations qui en découlerait.
Avant les révoltes, on a aussi
des agitations des provinciaux contre les autorités romaines pouvant aboutir à
des procès contre les gouverneurs.
On a alors des accusations contre le gouverneur destinées à l’empereur. On voit
donc des ambassadeurs en charge d’aller voir l’empereur pour dénoncer
l’attitude desdits ambassadeurs. Cela peut fonctionner puisque Pline
défendant les cités de Bythinie contre Classicus, celui-ci fut condamné. L’empereur
est un recours pour les protestations légales en cas de problème d’abus ou de
besoins financiers.
Mais il existe aussi des
comportements injustes qui font de grandes révoltes. Ainsi en 21, sous Tibère, on a en Gaule des lois supprimant des
exemptions fiscales qui bénéficiaient à des cités gauloises privilégiées. Les
Eduens alliés des Romains sont touchés. Les notables gaulois, surtout éduens et
trévires, vont alors organiser une révolte qui se propage rapidement. Les
dirigeants de la révolte sont des citoyens romains issus de familles romaines
anciennes : Iulius Sacrovir et Iulius Florus. Cette révolte contre une
mesure précise partie de l’Est et toucha rapidement l’Ouest (Angers et Tours).
Les Romains en difficulté utilisèrent la cohorte de Gaule qui est parvenue à
réprimer cette insurrection. Ce genre de
révoltes est régulier. Elles sont plus ou moins dures à réprimer mais la
fiscalité reste un facteur d’insurrections.
3.
Les remises en cause globales de la domination romaine
Cela commence avec les révoltes
en début de conquête. On a deux exemples : la révolte de Bouddica
en Bretagne et celle de Tacfarinas en Afrique.
En Bretagne, peu après la
conquête de celle-ci dans les années 40, on
a une révolte en 60 et 61. Bouddica est une femme des
Icéniens. Les Icéniens avaient
conservé leur royauté sous la coupe de l’Empire romain, en dépit de la conquête.
Ils avaient donc un roi toujours en place, Prasutagus. Or le roi meurt
sans héritier et dans son testament donne la moitié du royaume à Rome et
l’autre moitié à sa femme Bouddica. Quand ils découvrent cela, les Romains agissent de manière très
violente en prenant tout les territoires et en maltraitant la famille
royale (Bouddica est fouettée, les membres de l’aristocratie sont dédaignés,
…). Bouddica et son peuple se soulèvent et curieusement les régions de Bretagne alentours
se soulèvent aussi. Les Trinovantes
pourtant peuple allié et ami des Romains vont les suivre. En effet, chez les
Trinovantes, on a eu l’installation d’une colonie de vétérans romains, à Colchester,
qui excluait les Trinovantes de la ville. Se sentant relégués, les Trinovantes
se soulèvent avec les Icéniens et ils détruisent Colchester avec en premier
lieu la destruction du temple de Claude. Finalement
tout l’Est de la Bretagne se soulève, Londres est détruite dans le conflit,
… Cela est renforcé par le
surendettement des communautés sous les spéculations de certains romains.
Les
Romains vont mal répondre à cette insurrection ayant perdu leur base majeure,
Colchester. Mais profitant du manque de projet des insurgés et de leur
coordination douteuse, Paullinus va parvenir à réprimer les insurgés et
Bouddica se suicidera. En revanche, Trajan
prend en compte cette révolte : il arrête les conquêtes vers le Nord de la
Bretagne pour se concentrer sur les peuples du Sud, ainsi que pour réformer les
administrateurs sur place.
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