jeudi 3 mai 2012

Antique 02 - 05 (cours 10)

Précédemment : Antique 11 - 04


Les religions sous l'Empire


2.      De nouvelles religions populaires

Le culte de Mithra, culte d’un dieu indo-iranien arrive tardivement à Rome au I° siècle et connaissant son apogée sous l’Empire. Ce dieu a deux particularités : il est très diffusé dans l’armée et c’est un culte à mystère (il faut donc une initiation pour participer au culte). Cette religion se fait donc sur choix personnel et initiation individuelle. Mithra est très populaire dans l’armée puisqu’on trouve des traces de ce culte dans beaucoup de lieu le long des frontières (Rhin, Danube, …). Ces sanctuaires sont nommés mithraea (un mithraeum). On les retrouve par une pièce particulière de ce culte, il y a une grotte. On trouve aussi des symboles récurrents à ce culte, Mithra tuant un taureau. Cette représentation est identique dans tout l’Empire. De même, pour son nom qu’on appelle Mithra le dieu invincible, le dieu soleil.

Ce genre de religion très diffusé dans tout l’Empire fait donc face aux religions locales. Les historiens sont allés jusqu’à parler d’un pré-christianisme. Aujourd’hui on revient sur ce genre de thèses en soulignant que si Mithra est très diffusé, c’est un dieu qu’on peut cumuler avec d’autres dieux. Plus généralement, Mithra fait parti des religions orientales, terme de l’historiographie de la fin du XIX° et du début du XX° siècle, en pleine époque d’orientalisme. On a vu dans ces religions des annonces du christianisme, la religion traditionnelle n’arrivait pas à combler les besoins religieux des hommes. Dans cette thèse, l’homme a besoin d’une religion et le polythéisme n’y parvenant pas, les Romains se tournèrent vers des religions de dieu unique ou prédominant, préparant la venue du christianisme.

Un autre de ces cultes est celui de Cybèle, la mater magna. Venue du centre de l’Anatolie, Cybèle fut introduite à Rome pendant la seconde guerre punique et eut un temple sur le palatin. Sous l’Empire, son culte se diffuse depuis Rome vers les provinces avec le rite particulier du taurobole : un sacrifice de taureau dont le sang devait asperger et recouvrir le fidèle. Ce culte se diffuse dans l’Empire et se trouve beaucoup dans les colonies romaines. On retrouve ce culte à Trèves comme à Mayence. Mais le culte se diffuse depuis Rome et elle non plus n’est pas une divinité exclusive. A Mayence, on a trouvé un lieu de culte double consacré à Cybèle et Isis.

Aucun de ces cultes ne sort donc du polythéisme. Les religions orientales sont donc inadaptées car elles mélangent des cultes très anciens et d’autres plus récents. C’est une lecture téléologique qui visait à expliquer l’avènement du christianisme.
Ce christianisme débute dans les années 30 mais les premières vraies traces se constatent dans les années 50, les années du voyage de Paul, un des premiers disciples de Jésus qui prêche pour les non-juifs, alors que la tendance qu’à Jérusalem on ne prêchait que pour les juifs. Le courant se diffuse très lentement, à la fin du I° siècle on a quelques individus convertit à Rome par Paul et quelques communautés en Asie Mineure. Au début du IX° siècle, Pline et Trajan échangent une conversation par lettres sur la situation des Chrétiens et sur leur traitement. Trajan dit que ceux qui renient leur dieu doivent être sauvés et que ceux qui refusent de rendre hommage à l’empereur doivent être exécutés. Les sources historiques donnent au final une diffusion du christianisme par bond avec en particulier au III° siècle. Ceci dit, tout le monde fait un lien entre le début du christianisme et la fin de l’empire Romain. Cette religion est monothéiste, s’adresse à l’ensemble de l’humanité et n’a pas de communautarisme, alors qu’au même moment le judaïsme est un monothéisme adressé à un peuple élu uniquement. Il y a donc un certain lien entre l’universalisation du culte chrétien et l’homogénéisation de l’Empire ainsi que son impérialisme.
Toujours est-il que les religions dominantes sont les religions locales à cette époque.





La formation d’une culture impériale


Avec 45 millions à 60 millions d’habitants et des différences régionales très fortes, on peut voir ici dans quelles mesures l’Empire a unifié son peuple. En particulier, dans les classes dominantes, de par les traces restantes plus nombreuses que dans les campagnes.

I.                   Les langues de l’Empire : une unification linguistique incomplète

On a à faire à un Empire Gréco-romain avec deux langues dominantes : le romain et le grec. Mais on ne doute guère de la grande diversité des langues parlées dans l’Empire. Dans certaines régions ni le latin, ni le grec ne s’imposent dans la vie quotidienne. Ainsi en Afrique du Nord, on trouve le libyque, langue proto-berbère ; aux alentours de Carthage on trouve le punique ; en Gaule et en Grande-Bretagne surtout, on a un langage celte ; en Orient on trouve des langues qui se maintiennent depuis longtemps comme l’araméen, langue sémitique parlée par les Juifs et Jésus (s’il a existé) et le copte, évolution de la langue égyptienne.
On a donc des familles de langues très différentes, mais on peut diviser sur cette base l’Empire en deux, la moitié qui parle latin et celle parlant le grec. Cela est très important physique ces langues sont aussi celles de l’administration qui parle latin à l’Ouest et Grec à l’Est. Ce sont donc les langues internationales de l’époque. En Gaule, où l’on trouvait peu d’écrit dans une société orale, on a retrouvé différents textes gaulois, en langue gauloise mais reprenant les symboles grecs. On trouve la même chose en latin. Cette période de flou s’achève sur la domination in fine du latin. En Orient c’est beaucoup plus vague. On trouve là-bas plusieurs types de langues, le copte qui reprend les hiéroglyphes anciens, ou encore en ancien copte ; l’hébreu utilisé dans en Palestine avant tout pour des raisons religieuses ; l’araméen et enfin le punique. Tous les textes dans ces langues locales sont en fait circonscrites à l’usage privée. Pour tout usage public en particulier l’administration on a le latin et le grec qui se diffusent.

Dans l’Occident, le latin s’est imposé d’abord parce que c’est la langue de l’armée, des vainqueurs et par l’administration. Dans les régions les plus intégrées, les langues celtes s’effacent progressivement sauf dans les régions périphériques (Bretagne). Mais si la langue romaine est une victoire, celle-ci est longue et progressive. En Orient, les notables municipaux n’ont pas besoin d’évoquer leur langue puisque l’administration est en grec. Ainsi les notables s’imposent l’apprentissage pour atteindre l’administration romaine d’une carrière équestre ? Pour la correspondance du prince on a un bureau en grec et un autre en latin.
Dans le cas du dialecte grec, soulignons qu’il fut déjà la langue internationale sous l’apogée grecque avec la koilé (langue grec internationale de l’époque). Ainsi, l’épitaphe d’un marchand syirne installé à Lyon est constituée à la fois de grec et de latin alors que lui-même ne devait pas parler ces deux langues. Il y a donc sorte d’unité linguistique.


II.                Cultures des élites culture urbaine

Les élites adoptent la pratique épigraphique, dit l’habitus épigraphique, dorénavant on ne met pas que des pierres tombales, on met aussi des remerciements gravés avec des inscriptions honorifiques ainsi que les décisions officielles. Cela questionne donc l’alphabétisation.
La culture de l’écrit est une garantie juridique mais il est probable qu’ne minorité de personnes furent assez cultivées, ce qui est très variables dans l’Empire selon les régions et les milieux sociaux. On sait plus lire dans l’armée, en Orient qu’en Occident, dans les communautés religieuses, dans les villes. Les régions les plus alphabétisées ont jusqu’à 30% de taux d’alphabétisation, les moins alphabétisées comme la Bretagne doivent être proches du néant. Dans le sud de la Gaule on sait par les assiettes de potiers gravées pour faire les comptes, que ce milieu était alphabétisé. Les dédicaces à l’empereur, très nombreuses devaient certainement pouvoir être lues de tous. Enfin les gens devaient savoir écrire leur nom puisque les procédures administratives devaient être signées.
Au-niveau des élites, on ne doute plus d’une alphabétisation très répandue. On a même des traces d’enseignement qui tiennent davantage d’un cursus de formation à l’administration, d’abord les garçons débutent de manière élémentaire, on lit et on écrit. Ensuite on va chez le grammairien, enfin troisième étape, on va chez le prétorien, où on apprend à parler, faire des discours, … C’est très orienté dans la formation d’une élite politique. On a toujours des classiques. Dans les bibliothèques, élément important dans la vie des cités, Auguste en a fondé plusieurs à Rome, les élites s’y rendent. Les bibliothèques sont ouvertes au public avec des lieux de détente, d’apprentissage et d’enseignement. On y apprend des classiques : Homère, les textes grecs allant d’Aristophane à d’autres, des textes plus récents Virgile et Horace. On apprend beaucoup par cœur et par poésie. C’est une culture d’imitation pas d’innovation, on recopie, on apprend et on récite. Le tout s’accompagne de discours rhétorique (un coup on est pour, un coup on est contre). On a alors des villes de types villes universitaires qui se développent. Ainsi, on va se spécialiser dans les villes réputées Otun, Bordeaux, Carthage, Taragone, Athènes, Alexandrie, … Et le cursus vous pousse à faire quelques mois à Rome. Les méthodes pédagogiques sont cependant assez violentes avec des enfants battus par une férule et parallèlement des contestations étudiantes ont été retrouvées. Malgré tout les provinces possèdent leurs intellectuels romains. Les premiers viennent d’Espagne, puis des Gaulois et des Africains et au seconde siècle des Grecs.
Quintilien, espagnol venu de Calagurris au milieu et fin du I° siècle, il est fils de rhéteur et fait ses études à Rome pour retourner enseigner en Espagne. Il a eut comme proche Galba qui l’aidera à fonder une école de rhétorique à Rome qui fut très coté. Quintilien aura même une pension annuelle versée par Vespasien en tant que professeur de rhétorique latine.
Apulée, venu de Madaure en Numidie en Afrique, au milieu du II° siècle, il a fait ses études à Rome puis à Athènes. Il parle trois langues berbère, latin et grec. Il se revendique dans ses textes à moitié numide même s’il a écrit un roman important en latin, La métamorphose. Accusé de pratiques magiques par sa belle-famille qui pensait voir dans cet homme un individu voulant l’héritage d’une femme plus vieille que lui, il fit un plaidoyer alternant grec, latin et berbère selon les circonstances.
Aelius Aristide, du II° siècle, vient de Mysie en Anatolie et on a des traces de ses voyages dans tout l’Empire. Il enseigne la rhétorique un peu partout et va jouer un rôle diplomatique suite à un séisme en Anatolie où il a rédigé un plaidoyer auprès de l’empereur en faveur d’un soutien financier. Il y parvient. Il rédige aussi des éloges à Rome en grec.
On peut donc être un  intellectuel romain venu de tout l’Empire, la combinaison des cultures n’est nullement pénalisante.

Dans le cas des spectacles qui ont une place primordiale dans l’Empire, on a aussi des caractères communs et des différences. Ces spectacles se font dans le cadre de cérémonies religieuses, on parle de ludi en Occident, d’agones en Orient. Dans tout les cas on donne des jeux du cirque, des spectacles scéniques ou encore des spectacles de gladiateurs (munera). Tous n’ont pas lieu en même temps mais s’alternent. Ces jeux sont civiques et doivent rassembler le peuple tout en conservant la dimension impériale. La vie civique s’organise donc autour de la figure du prince.


Au final, on parle en histoire de subculture pour illustrer la multiplicité des cultures dans l’Empire romain. Ce ne sont pas des cultures inférieures mais des cultures particulières avec leur propre fonctionnement tout en étant chapotées par la culture romaine. Les cultures locales ne disparaissent pas puisqu’elles ne sont pas en contradiction avec la culture romaine. La romanité n’est pas contradictoire avec un certain régionalisme.

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