mercredi 9 mai 2012

Médiévale 07 - 05 (cours 10)

Précédemment : Médiévale 12 - 04


Il y avait les Carolingiens, et Eudes arriva



En août 876, Louis le Germanique décède, Charles se précipite à Aix la Chapelle pour reprendre la partie orientale de l’ancienne Lotharingie. C’est un échec puisqu’il est battu par Louis le Jeune, son second neveu qui avait hérité de Louis le Germanique, son père, cette partie du territoire. Charles le Chauve se rétracte donc et est aussitôt appelé par le pape à Rome, de nouveau attaquée, par les Sarrasins. En juin 877, il réunit une assemblée à Quierzy pour préparer son royaume en son absence. Les Grands peu partant pour aller à Rome, tentent de souligner que les Vikings sont la priorité. Ses conseillers, lui demandent de ménager sa santé. Sans succès, Charles veut partir et organise la régence autour de Louis le Bègue, son fils qu’il hait. Il l’entoure donc de ses conseillers qui doivent le maîtriser. A cela, Charles rajoute un capitulaire, dans lequel il demande que si un Grand décède en Italie, alors ses charges sont réservées aux enfants de ce Grand. Ce n’est pas la transmission héréditaire des charges, le roi ne fait ça qu’un temps pour détendre la situation. C’est de nouveau un échec, la révolte embrase la France et devant revenir de Rome, Charles décède sur le trajet de retour en décembre 877.


III.                   Les dernières années

1.      La promesse du sacre

N’ayant plus qu’un fils sur trois, le pouvoir de Charles passe aux mains de Louis le Bègue pour trois ans, puisqu’il décède rapidement en avril 879. En octobre 877, c’est déjà la révolte des Grands contre Louis le Bègue qui prend le pouvoir. Nouvelle guerre civile, qu’Hincmar âgé de 70 ans tente de tempérer en remettant chacun à sa place. Le rôle important tient aussi à Richilde, la belle-mère de Louis le Bègue à qui Charles a confié les regalia juste avant de mourir. Richilde est alors d’accord pour remettre les regalia à Louis moyennant des concessions. Richilde et Hincmar tempèrent la guerre civile et organisent le sacre de Louis à Compiègne le 8 décembre 877.
Il y a alors une cérémonie d’échange, les Grands assurent leur fidélité à laquelle Louis répond par une promesse d’échange. Louis promet d’abord aux ecclésiastiques de respecter les règles des ecclésiastiques et leurs terres. Aux laïcs, Louis promet de ne pas déranger l’ordre du royaume, soit ne pas agir de manière désordonnée sans prendre le conseil de ses fidèles. Ainsi, Louis le Bègue reconnaît qu’il existe dans les royaumes des formes de lois en faveur des laïcs et des ecclésiastiques que Louis doit conserver. D’ailleurs sa titulature est « Rois par la miséricorde de Dieu et l’élection du peuple », preuve que son pouvoir est dépendant des Grands. On parle alors du fondement de la royauté contractuelle qui prend véritablement une forme institutionnelle.
Bien évidemment cela est insuffisant pour certains Grands. Bernard de Gothie au Sud de la Loire, s’est rendu indépendant et possède la Septimanie, la Marche d’Espagne, le Berry et l’Autunois. Louis envisage donc de mener une campagne militaire contre Bernard de Gothie.


Cependant, le titre d’empereur est un sujet de discussion. Plus personne ne veut du titre d’empereur car le pape est en telle difficulté à Rome qu’il vient en Francie. Il propose le titre d’empereur à Louis qui refuse et lui propose en revanche une escorte conduite par Boson, frère de Richilde et ancien proche de Charles le Chauve. Peu de temps après, Louis le Bègue meurt de maladie le 10 avril 879 à Compiègne.

A la mort de Louis, il a deux enfants de sa première femme Ansgarde, Louis III et Carloman. Or Louis le Bègue s’est marié avec Ansgarde sans le consentement de son père, ses deux fils âgés de 16 ans et 13 ans, n’ont pas entière légitimité. Surtout qu’une fois roi, Louis a répudié Ansgarde pour Adélaïde, enceinte de Charles le Simple. Mais l’Eglise n’accepte pas le remariage de Louis et ne reconnaît que le premier mariage donc les deux enfants. Adélaïde conteste cela en nommant son fils Charles, montrant les prétentions qu’elle a pour son fils.
Les questions sont donc diverses : quelle légitimité accordée aux enfants ? Les Grands sont divisés sur le sujet et se placent par intérêt. Hugues l’abbé (un laïc malgré son nom) et Boson soutiennent Louis III et Carloman, ce qui un poids non négligeable. Parallèlement, on a le parti des Welfs, famille de Judith qui soutiennent les prétentions non de Charles le Simple mais du fils de Louis le Germanique, Louis le Jeune qui détient la Lotharingie. Hugues l’abbé décide de désamorcer les tensions par le partage de Ribémont en 880. A Louis le Jeune, on lui cède toute la Lotharingie, ce qu’il accepte volontiers puisque lui-même n’a pas de prétentions sur la Francie occidentale. Cette Francie occidentale est partagée entre Louis III, qui sera roi en Neustrie et en Francie et Gauzlin de Saint Denis devient archichancelier ; et Carloman récupère la Bourgogne et l’Aquitaine avec Hugues l’abbé pour tuteur.
Le problème c’est que finit ce partage, on apprend que Boson a obtenu des évêques de Provence le titre de roi de Provence et fut sacré en tant que tel à Lyon. C’est inouï, Boson n’étant pas carolingien. Il a juste épousé la fille de l’empereur Louis II. Pour la première fois donc, on a une élection d’aristocratie locale qui préfère un roi non carolingien, proche du royaume du Sud qu’un roi carolingien préoccupé uniquement par le Nord des royaumes.
Cette attitude pousse les armées carolingiennes de l’Est et de l’Ouest qui viennent en automne 880 faire le siège de Vienne où Boson a fait sa capitale. On constate donc l’affaiblissement du principe dynastique des Carolingiens. On voit aussi à quel point les Grands font les rois.

Toutes ces divisions carolingiennes sont l’occasion pour les Vikings d’enchaîner les raids dans les vallées de la Somme et de la ???. S’en suit alors un moment très fort pour le royaume, la bataille de Saucourt qui opposent Louis III aux Vikings venant de ravager un monastère. Si la victoire est petite, le moral des troupes remonte et restaure la royauté franque puisqu’on a conservé une chanson de victoire probablement écrite au monastère de Saint-Amand avec Gauzlin comme abbé. C’est le Ludwigslied, la chanson de Louis, rédigée par le même scribe sur la même page, ce chant et la cantilène de Sainte-Eulalie. La langue utilisée n’a donc rien à voir avec la construction de l’identité franque. Il y a un plurilinguisme qui n’est nullement un obstacle à l’identité.
Louis continue les combats contre les Vikings mais meurt à 20 ans le 5 août 882 d’un accident de cheval. C’est donc Carloman qui récupère les terres de son frère, conseillé par Hincmar âgé de 80 ans, qui lui rédige l’organisation palatiale sous ses ancêtres. Les Vikings continuant leurs raids, Hincmar devra fuir Reims avec ses reliques pour mourir dans un petit monastère quelques temps plus tard. Malgré ses répliques, Carloman est contraint de payer les Vikings avec les richesses de l’Eglise. Mais il meurt à son tour rapidement dans un accident de chasse et sera enterré à la basilique Saint-Denis, avec son frère.

Le problème de succession est toujours entre Charles le Simple d’une part et le dernier hérité restant de Louis le Germanique, Charles III, dit Charles le Gros. Louis le Jeune et Carloman, les deux autres fils de Louis le Germanique sont décédés sans héritiers légitimes (seul un bâtard du coté de Carloman). Charles le Gros a été couronné empereur par le pape Jean VIII en 881 et donc n’est guère surpris quand les Grands d’Occident et notamment Gauzlin, entretemps évêque de Paris, partisan de remettre le royaume à la lignée carolingienne de l’Est, qui va remettre le royaume à Charles le Gros. Il récupère par le hasard des choses l’Empire Carolingien. Les contemporains y ont donc vus un geste de Dieu, Charles III est l’élu de Dieu qui a repris en mains l’Empire dans sa conception territoriale. Il y a donc eut un immense espoir de la population. Rapidement, on réalisa que Charles le Gros n’était pas Charlemagne et qu’il n’avait pas à faire aux mêmes problèmes. Charles le Gros a réuni les royaumes sans pour autant les fusionner notamment sur le plan des institutions (il y a encore moins de facteurs d’unification que sous Charlemagne, excepté l’empereur et la lutte contre les Vikings).
Ainsi en novembre 885, Siegfried et d’autres chefs Vikings assiègent l’île de la cité et donc Paris avec 600 navires. Leur but est de remonter vers la Bourgogne ensuite. Mais face à ces navires Gauzlin, évêque de Paris et Eudes, fils de Robert le Fort s’y opposent. Les Vikings font alors le siège. Charles le Gros envoie donc en renfort ses armées avec son meilleur chef de guerre qui y laissera sa vie. En octobre 886, Charles vient avec l’armée impériale et fait le siège des Vikings, sans succès. Le succès est du coté du comte et de l’abbé, rédigé dans un poème par Abbon de Saint-Germain. Au final, Charles le Gros négocie un tribut et le fait de les laisser passer en vie. Cette attitude vient d’un Charles III très malade d’épilepsie, ayant subi des trépanations et donc épuisé et peu à même de régner. Les Grands le déposent alors en novembre 887, ce qu’il accepte facilement reconnaissant son affaiblissement. C’est donc son neveu Arnoulf qui prend le pouvoir et il aura la légitimité surtout lors de la mort de Charles le Chauve. A cette époque on voit donc la puissance des Grands de Neustrie qui ont dirigé l’Empire en remettant la couronne. On notera surtout le rôle d’Eudes qui sera le futur roi non-carolingien qui héritera du royaume par la suite, c’est l’ancêtre direct des Capétiens, et Gauzlin.


Chrodegang contre le cumul des charges ... chez les évêques


Eglise et Etat dans l’Empire carolingien
L’institution ecclésiastique dans la société


A cette époque, si tant est qu’il y ait un Etat, l’Eglise est une forme de l’Etat, celui-ci ne peu existé sans l’Eglise. En effet, historiquement, le roi carolingien est avant tout chef d’une société chrétienne, en est responsable et doit la mener à son salut. Parce qu’il est un roi sacré alors l’Eglise doit être à son service et surtout l’Eglise fournit les discours idéologiques de légitimation de la domination des élites sur la société.

L’Eglise vient du grec ecclesia, c'est-à-dire l’assemblée, la communauté ici des Chrétiens, c'est-à-dire tout les baptisés indépendamment de ce qu’ils en font après. Cela comprend aussi les morts. Hors les sujets du roi qui sont israélites, l’Eglise englobe toute la société.
Mais l’Eglise c’est aussi l’institution, l’ensemble des clercs ordonnés dans une hiérarchie et dont le rôle principal est de distribuer les sacrements (en faisant ainsi des objets, lieux, personnes, … sacrés), d’encadrer les pratiques religieuses des fidèles et de diffuser la culture chrétienne. Cela est aux mains des évêques à cette époque, du pape aussi, mais ce n’est qu’un évêque comme un autre.


I.                   Primauté de l’épiscopat

L’évêque de cette époque s’inscrit dans l’épiscopat de l’antiquité tardive et dans l’organisation des pouvoirs au sens général dans l’institution de l’Eglise. En effet, l’évêque fait les consécrations et donc de sa personne, on a les facteurs de sacré. C’est l’évêque qui fait un prêtre, qui fait les églises, les huiles de consécration, … L’évêque produit le sacré.
L’évêque s’occupe aussi de sa cité sur tout les plans y compris le militaire (refaire les remparts, nourrir la population, …). Il est en relation directe avec le pouvoir royal et l’aristocratie, donc un personnage de premier plan dans la politique mais aussi dans toute la société puisqu’il étend une forme de contrôle et de domination sur celle-ci.
Le pouvoir épiscopal a donc un caractère multiforme, il est au service de l’Eglise et de l’Etat, représente le pouvoir des aristocrates et du roi, … Il faut donc tout penser dans la conception de l’évêque.

1.      Un personnage charismatique

L’évêque se définit d’abord par rapport à son rôle dans l’Eglise. Le Christ a placé la charge épiscopale dans ses apôtres (notamment Pierre en charge de mener le troupeau) et les évêques héritent des apôtres. Les évêques investis sont une représentation du Christ sur terre, ils sont le vicaire du Christ (littéralement, la représentation du Christ). Quand ils entrent dans une église qui n’est pas la leur, les évêques toquent, les gens dans l’église demandent qui est là et l’évêque répond « C’est le Christ ». C’est le rituel.
Chef de la communauté des Chrétiens, il ne peut y avoir plusieurs évêques par communauté. Le pouvoir sacré de l’évêque connaît un véritable renforcement très important à partir de l’époque carolingienne. Sous l’époque carolingienne, le rituel de leur consécration s’est modifié, puisqu’ils ont dorénavant une consécration comme les rois. Les évêques imitent le roi, non pas l’inverse. En ceci, par sa fonction même, l’évêque acquiert un charisme de fonction. Cela se double souvent d’un charisme personnel puisque la plupart de ces évêques sont des aristocrates, des grandes familles carolingiennes et cela depuis la fin de l’Empire Romain qui choisissait ses évêques dans le Sénat. On qualifie donc les évêques d’aristocrates en habits ecclésiastiques, des personnages venus de grandes familles et ayant donc un prestige de par leur naissance.

A l’époque carolingienne, l’épiscopat prend une dimension nouvelle. D’une part car les premiers Carolingiens luttaient contre les épiscopats trop autonomes. Les évêques se comportant comme des princes, en ayant une forme de principauté avec tous les pouvoirs laïcs et ecclésiastiques. Charles Martel a lutté contre cela et instituant une séparation entre les laïcs et les clercs. Charlemagne fait tomber la dernière principauté et institua l’obligation d’avoir en chaque communauté un comte et un évêque aux fonctions bien distinctes et qui doivent collaborer. Il luttait ainsi contre la concentration des pouvoirs dans les mains d’une même famille. Cela se renforce avec la volonté de Chrodegang d’établir une hiérarchie simple : un seul évêque par cité mais un évêque pour chaque cité et sans cumul de charge.

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