mardi 15 mai 2012

Sociologie politique - CM - Chapitre 4


Chapitre 4 : Citoyenneté et politisation.

On va beaucoup parler des formes de politisation et de partition politique, ainsi que son inverse, l’abstention.
Quels sont les citoyens qui participent à la vie politique ? Sous quelles formes ? Pourquoi certain ne participe plus ? Y’a-t-il un lien avec la position sociale.

On attend du citoyen qu’il paye ses impôts, qu’il verse l’impôt du sang, qu’il ait un ensemble de qualité morale et de vertus (cour d’éducation civique) et qu’il participe activement à la vie politique. Ce sont des représentations prescriptives qui construisent l’image d’un bon citoyen.
Dans cette construction, le vote joue un rôle particulièrement central dans les démocraties, c’est l’acte citoyen par excellence, dans certains pays c’est même une obligation. Cela sera une forme de communion sociale (comme le montre OFFERLE). Le vote serait le moment où les inégalités sociales s’effacent, chaque voix ayant le même poids.

I-                   La participation politique, un acte citoyen.

La politisation désigne l’intérêt et l’attention que l’on accorde au jeu politique, cela définie l’intensité avec laquelle les individus s’intéressent à la compétition politique. Ce terme sous-entend une vision assez officielle de ce qu’est la vie politique : on mesure l’intérêt par l’intérêt accordé aux partis et à la vie électorale.
Dans un sondage de 2008, 48% de la population déclare être intéressé par la politique en France. On peut aussi mesurer cela pas l’abstention : cela renvoi encore à une définition très restrictive.

La compétence politique : le fait d’avoir un savoir savant et technique sur l’univers politique. Pour la mesurer, on tente de savoir si les gens connaissent les enjeux d’un débat politique, savent quand un projet de loi a été voté et par qui, si ils arrivent à placer les individus sur une échelle gauche/droite selon leurs valeurs et les alliances entre les partis.
On observe une inégalité dans les compétences politiques liés aux études réalisées et à l’emploi occupé.

Comment on acquiert la compétence politique ?
C’est ceux qui ont le plus de compétence politique qui vont suivre les débats, lire les articles spécialisés, augmentant leur capital de compétence politique.
Le capital politique s’acquiert assez peu par les médias, contrairement aux idées reçues. Des enquêtes ont montré que les médias n’ont aucune capacité à rendre compétent les individus en matière politique car on a une écoute/lecture transversale, on ne retient que ce que l’on connait déjà. C’est ce que montrent les enquêtes de LAZARSFELD de 1940 à1950. Les médias auraient un rôle limité et les orientations politiques des personnes interrogées sont assez stables et sont conformes aux normes des groupes sociaux d’appartenance. Les médias ne font que renforcer des prédispositions qui existaient déjà.
Il y a une exposition sélective : les individus ne se confrontent pas aux informations qui ont des risques de rentrer en contradiction avec leurs idées. Il y a aussi une perception sélective, on opère une distorsion du message pour le rendre conforme avec ses propres idées. Il y a enfin une mémorisation sélective : on va mieux retenir les idées qui confortent ce qu’on pense déjà.
Il y a des leaders d’opinion : dans les interactions horizontales, ce sont ces individus qui vont sensibiliser leurs semblables à leurs idées, en parlant de leur candidat favori ou en se moquant des autres lorsqu’on apprécie un candidat qu’ils n’aiment pas. Ce sont ces leaders d’opinion qui ont une véritable influence et non pas les médias, selon les enquêtes de LAZARSFELD.

Est-ce que la compétence politique est la seule manière de se repérer dans la vie politique ?
Il y a d’autres manières de comprendre les mécanismes politiques. Par exemple les individus retiennent de Besancenot qu’il a été facteur et donc qu’il est proche du petit peuple. La particule peut aussi informer de l’origine sociale d’un candidat pour les individus peu politisé. C’est proche de la façon dont BOURDIEU expliquait qu’on se construisait une opinion sur un plan éthique, c’est une autre forme de rationalité et de compétence à déchiffrer le monde social que le sociologue ne peut pas complétement ignorer, même si cette compétence est moins fine et considérer comme illégitime.

Il y a une dimension affective dans la participation politique, on va s’engager dans un parti plutôt qu’un autre par rapport à ses parents, par mimétisme ou en rupture.

Politisation, compétence politique et participation à la vie politique vont de pairs dans la définition normative.

II-                Les formes de participation politiques.

1-      Participation conventionnelle et non conventionnelle.

=> Participation conventionnelle
C’est celle qui permet de sélectionner les représentants de l’autorité par des mécanismes institutionnels. C’est le vote et les pratiques de soutient à un partie (sympathisant, militant, adhérent).

=> Participation non conventionnelle/protestataire.
Ce sont des actions autonomes, expressives qui ne sont pas contraintes par le cadre institutionnel. Ces participations vont remettre en cause l’ordre établit. Les manifestations, les pétitions, les sitting, les grèves, les dégradations de locaux, la désobéissance civile.

Est-ce qu’on peut vraiment opposer ces deux types de pratiques ? Est-ce que ce sont deux types de publics qui participent à chacun de ces actions ? En fait non, ce sont les mêmes personnes qui ont une participation conventionnelle et une participation non conventionnelle.

2-      Le déclin de la participation.

Il y a des écarts très différents dans la participation politique selon les pratiques auquel on s’intéresse.

=> Participation conventionnelle.
Elle est très modérée. Il y a plus de 90% des citoyens qui sont inscrits sur les listes électorales mais seulement 1 à 2% qui sont adhérents à des partis politiques. De plus, ce type de participation est en baisse régulière depuis le début des années 80. Cette baisse se constate à l’érosion des effectifs des partis politiques.
Ex : PCF avait 600K adhérents après la WWII ; dans les 70’, il avait 500K adhérent et aujourd’hui 200K. L’UMP en 2005 avait 150K et le PS a 100K adhérents.
Les partis politiques qui échappent à cette érosion sont les partis contestataires, comme le NPA, les verts ou le FN. Ces partis ont de toute manière peu d’adhérents mais cette masse est stable.
Un autre moyen de juger la participation conventionnelle est de voir la baisse de la participation électorale, il y a des taux d’abstention différents selon les types d’élection mais en dépit de ces écarts, on observe une hausse de l’abstention. C’est le cas dans presque toutes les démocraties européennes.

=> Participation contestataire.
Ces formes contestataires sont beaucoup moins touchées par l’érosion de la contestation. On peut voir qu’il y a autant de manifestations de nos jours que durant l’entre-deux guerres. On peut aussi penser à l’essor des mouvements altermondialistes. Nouvelles formes de participations pacifistes. Il n’y a donc pas vraiment d’érosion.

La question de la participation amène à des débats : dépolitisation et montée de l’individualisme pour certains et nouvelles formes d’engagements et de participations pour d’autres.
Il y a clairement une forme de désaffection par rapport aux formes de participations traditionnelles comme adhérer à un parti ou à un syndicat. Ces participations politiques reposaient sur des groupes sociaux homogènes avec un projet commun. On remarque toutefois que d’autres groupes surgissent et en particulier des mouvements spontanées à caractère ponctuel et avec des contenus idéologiques assez minces. Ainsi, le lien social se transforme plutôt qu’il ne décline.

III-             Les inégalités de politisation : expliquer l’abstention.

1-      Participation et position sociale : le « cens caché » chez GAXIE

Les catégories les plus élevées sur l’échelle sociale sont ceux qui ont la participation électorale la plus régulière alors que l’apathie politique est plus développée chez les classes sociales défavorisées. Plus curieux, actifs, investis pour les positions sociales élevées contre distant, apathiques et passifs pour les classes sociales défavorisés.
Pour émettre une opinion politique, il faut disposer de certains critères d’évaluation et les individus sont inégalement dotés culturellement, ce qui permet d’avoir ces critères d’évaluation. Les plus démunis socialement et culturellement vont avoir du mal à donner un sens à la politique ce qui va impulser un rejet ou de l’indifférence. C’est une forme d’auto exclusion : on a l’impression de ne pas appartenir au même monde. Parce qu’ils ont du mal à évaluer l’offre politique, les plus démunis vont être instrumentalisés par les leaders et les partis politiques.

Les inégalités sociales se reproduisent dans le monde politique et se déclinent en inégalités politiques. Ces individus inégaux vont être critiqués par l’ensemble de la société comme des fautifs en appuyant l’idée qu’il y ait des responsabilités individuelles alors qu’en fait, ces responsabilités sont collectives et sociétales.

Les études de ces dernières années ont montré que de plus en plus de gens s’intéressaient à la politique. On observe que sur les 50 dernières années, il y a une augmentations du niveau d’éducation, il y a donc de plus en plus d’individus qui ont les capacités techniques pour comprendre les mécanismes politiques, ce n’est donc pas un cens caché qui explique la hausse de l’abstention.
L’analyse de GAXIE est statique, cela suppose que la population d’origine populaire a peu de chance d’aller voter et qu’il n’y a pas de raisons que cela change. Les études sur l’abstention montrent que l’abstention est dynamique, il y a peu d’abstentionnistes constants (8 à 10% des inscrits avec des variations selon la période et le type d’élection). Les votants constants représentent environ 40% des votants. Les autres sont des votants intermittents, c’est 50% du corps électoral.

2-      Politisation et intégration sociale. (LANCELOT 1968)

L’intégration social n’est pas un élément objectif mais c’est aussi un élément subjectif : cela dépend aussi de l’idée qu’on les individus de leur intégration sociale, si ils se sentent légitimes, bien intégrés. Ce n’est pas qu’une question de niveau de revenu.
Plusieurs facteurs interviennent, comme l’âge. La participation électorale est plus faible chez les jeunes et chez les personnes âgées.
L’insertion professionnelle. Les actifs ont plus tendance à aller voter que les inactifs. Ceux qui ont des contrats de longue durée vont plus aller voter que les autres. Il y a aussi un lien avec la mobilité géographique, si l’on n’est pas inscrit sur les listes. Le fait d’avoir des enfants (intégration sociale) fait que l’on a envie d’aller voter pour donner son avis au nom de l’avenir de ses enfants.
Comme le degré d’intrégration sociale évolue au cours du temps, il semble logique que l’abstention aussi : il y a un dynamise intrinsèque à la vie humaine.

3-      L’influence de la conjoncture.

Le type d’élection : on ne va pas voter pareil selon l’enjeu et la compréhension que l’on a de l’enjeu.
Le calendrier électoral : trop d’élections rapprochées lassent l’électeur. Cela crée de l’abstention qui n’est pas en lien avec la volonté politique des citoyens.

4-      La crise des rapports entre représentants et représentés (Etienne SCHWEISGUTH)

Il travaille à partir de sondages et il observe que l’intérêt des citoyens pour la politique augmente depuis 20 ans. Il observe aussi que les citoyens sont de plus en plus informés. En revanche l’identification aux partis décline.
Cette observation conteste deux thèses :
=> Cela va en l’encontre de l’idée que le bien être matérielle aboutirait à un individualisme et à un repli sur soi.
=> Cela va aussi à l’encontre de l’idée que l’abstention est liée au manque d’instruction politique.

Il fait deux propositions :
=> Nos sociétés contribuent à saper la crédibilité et le prestige des hommes politiques. Il y a une autorité désacralisée : le niveau de vie et l’instruction des citoyens fait qu’ils sont plus critiquent et plus autonome par rapports aux institutions politiques (partis, syndicats, etc.)
La presse est devenue plus libre et plus critiques à l’égard du pouvoir politique. Un journalisme d’investigation s’est développée et va jusqu’à mettre sur la place publique de la vie privée des hommes politiques. La vie des politiques se déroulent sous l’œil permanent de la télévision. Les médias captent d’avantage l’attention des individus en mettant en avant des aspects négatifs plutôt que positifs, entretenant la désacralisation des hommes politiques.
=> Il y a un apaisement des conflits idéologiques, il y a une convergence entre les positions des grands partis. Cela affaiblit la propension des électeurs à s’affilier à un homme politique, c’est le règne des modérés. Il y a aussi beaucoup de cohabitation. On ne peut plus aussi facilement différencier les idées de tel ou tel parti. Désaffection des plus jeunes.

Cette théorie décrit un autre profil d’abstentionnistes qui ne s’intéressent pas aux grands partis mais qui peuvent quand même s’intéresser à la politique. S’abstenir peut être une forme de revendication, cela peut être une forme de vote protestataire.

Conclusion :
Il faut retenir la différence entre l’abstention constante et l’abstention intermittente. Certaines formes d’abstention sont liés à un niveau d’éducation, une autre à l’intégration social et enfin une liée à lé détérioration de l’identification.
Il y a un relâchement de la contrainte sociale liée au vote. Cette position d’abstentionniste est plus tenable pour les individus.

On peut réfléchir à la différence qu’il peut y avoir entre l’absence de participation par les formes conventionnelles et la politisation. Des travaux se sont mis en place depuis 30 ans pour voir comment des populations marginalisée qualifiées d’apathique politiquement ont en fait d’autres formes de participation politique, parfois spécifique.
James SCOTT,  l’art de la résistance montre que des pratiques sociales qui sont a priori apolitique peuvent en fait avoir une valeur très subversive et porter une forme de contestation politique. Parfois, le rapport de domination est tellement fort que les dominés ne peuvent pas contester le pouvoir dominant et contourne cette domination. En faisant passer des charades, avec les gospels qui ont un double sens, se faisant passer pour des chansons religieuses, les carnavals médiévaux.

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