Chapitre
4 : Citoyenneté et politisation.
On va
beaucoup parler des formes de politisation et de partition politique, ainsi que
son inverse, l’abstention.
Quels sont
les citoyens qui participent à la vie politique ? Sous quelles formes ? Pourquoi
certain ne participe plus ? Y’a-t-il un lien avec la position sociale.
On attend du citoyen
qu’il paye ses impôts, qu’il verse l’impôt du sang, qu’il ait un ensemble de
qualité morale et de vertus (cour d’éducation civique) et qu’il participe
activement à la vie politique. Ce sont des représentations prescriptives qui
construisent l’image d’un bon citoyen.
Dans cette construction,
le vote joue un rôle particulièrement central dans les démocraties, c’est
l’acte citoyen par excellence, dans certains pays c’est même une obligation.
Cela sera une forme de communion sociale (comme le montre OFFERLE). Le vote
serait le moment où les inégalités sociales s’effacent, chaque voix ayant le
même poids.
I-
La participation
politique, un acte citoyen.
La politisation
désigne l’intérêt et l’attention que l’on accorde au jeu politique, cela
définie l’intensité avec laquelle les individus s’intéressent à la compétition
politique. Ce terme sous-entend une vision assez officielle de ce qu’est la vie
politique : on mesure l’intérêt par l’intérêt accordé aux partis et à la
vie électorale.
Dans un sondage de
2008, 48% de la population déclare être intéressé par la politique en France.
On peut aussi mesurer cela pas l’abstention : cela renvoi encore à une
définition très restrictive.
La compétence
politique : le fait d’avoir un savoir savant et technique sur l’univers
politique. Pour la mesurer, on tente de savoir si les gens connaissent les
enjeux d’un débat politique, savent quand un projet de loi a été voté et par
qui, si ils arrivent à placer les individus sur une échelle gauche/droite selon
leurs valeurs et les alliances entre les partis.
On observe une
inégalité dans les compétences politiques liés aux études réalisées et à
l’emploi occupé.
Comment
on acquiert la compétence politique ?
C’est ceux qui ont
le plus de compétence politique qui vont suivre les débats, lire les articles
spécialisés, augmentant leur capital de compétence politique.
Le capital
politique s’acquiert assez peu par les médias, contrairement aux idées reçues.
Des enquêtes ont montré que les médias n’ont aucune capacité à rendre compétent
les individus en matière politique car on a une écoute/lecture transversale, on
ne retient que ce que l’on connait déjà. C’est ce que montrent les enquêtes de
LAZARSFELD de 1940 à1950. Les médias auraient un rôle limité et les
orientations politiques des personnes interrogées sont assez stables et sont
conformes aux normes des groupes sociaux d’appartenance. Les médias ne font que
renforcer des prédispositions qui existaient déjà.
Il y a une
exposition sélective : les individus ne se confrontent pas aux
informations qui ont des risques de rentrer en contradiction avec leurs idées.
Il y a aussi une perception sélective, on opère une distorsion du message pour
le rendre conforme avec ses propres idées. Il y a enfin une mémorisation
sélective : on va mieux retenir les idées qui confortent ce qu’on pense
déjà.
Il y a des leaders
d’opinion : dans les interactions horizontales, ce sont ces individus qui
vont sensibiliser leurs semblables à leurs idées, en parlant de leur candidat
favori ou en se moquant des autres lorsqu’on apprécie un candidat qu’ils
n’aiment pas. Ce sont ces leaders d’opinion qui ont une véritable influence et
non pas les médias, selon les enquêtes de LAZARSFELD.
Est-ce
que la compétence politique est la seule manière de se repérer dans la vie
politique ?
Il y a d’autres
manières de comprendre les mécanismes politiques. Par exemple les individus
retiennent de Besancenot qu’il a été facteur et donc qu’il est proche du petit
peuple. La particule peut aussi informer de l’origine sociale d’un candidat
pour les individus peu politisé. C’est proche de la façon dont BOURDIEU
expliquait qu’on se construisait une opinion sur un plan éthique, c’est une
autre forme de rationalité et de compétence à déchiffrer le monde social que le
sociologue ne peut pas complétement ignorer, même si cette compétence est moins
fine et considérer comme illégitime.
Il y a une
dimension affective dans la participation politique, on va s’engager dans un
parti plutôt qu’un autre par rapport à ses parents, par mimétisme ou en
rupture.
Politisation,
compétence politique et participation à la vie politique vont de pairs dans la
définition normative.
II-
Les formes de
participation politiques.
1-
Participation
conventionnelle et non conventionnelle.
=>
Participation conventionnelle
C’est celle qui permet
de sélectionner les représentants de l’autorité par des mécanismes
institutionnels. C’est le vote et les pratiques de soutient à un partie
(sympathisant, militant, adhérent).
=>
Participation non conventionnelle/protestataire.
Ce sont des
actions autonomes, expressives qui ne sont pas contraintes par le cadre
institutionnel. Ces participations vont remettre en cause l’ordre établit. Les
manifestations, les pétitions, les sitting, les grèves, les dégradations de
locaux, la désobéissance civile.
Est-ce qu’on peut
vraiment opposer ces deux types de pratiques ? Est-ce que ce sont deux
types de publics qui participent à chacun de ces actions ? En fait non, ce
sont les mêmes personnes qui ont une participation conventionnelle et une participation
non conventionnelle.
2-
Le déclin de la
participation.
Il y a des écarts
très différents dans la participation politique selon les pratiques auquel on
s’intéresse.
=>
Participation conventionnelle.
Elle est très
modérée. Il y a plus de 90% des citoyens qui sont inscrits sur les listes
électorales mais seulement 1 à 2% qui sont adhérents à des partis politiques.
De plus, ce type de participation est en baisse régulière depuis le début des
années 80. Cette baisse se constate à l’érosion des effectifs des partis
politiques.
Ex : PCF
avait 600K adhérents après la WWII ; dans les 70’, il avait 500K adhérent
et aujourd’hui 200K. L’UMP en 2005 avait 150K et le PS a 100K adhérents.
Les partis
politiques qui échappent à cette érosion sont les partis contestataires, comme
le NPA, les verts ou le FN. Ces partis ont de toute manière peu d’adhérents
mais cette masse est stable.
Un autre moyen de
juger la participation conventionnelle est de voir la baisse de la
participation électorale, il y a des taux d’abstention différents selon les
types d’élection mais en dépit de ces écarts, on observe une hausse de
l’abstention. C’est le cas dans presque toutes les démocraties européennes.
=>
Participation contestataire.
Ces formes
contestataires sont beaucoup moins touchées par l’érosion de la contestation.
On peut voir qu’il y a autant de manifestations de nos jours que durant
l’entre-deux guerres. On peut aussi penser à l’essor des mouvements
altermondialistes. Nouvelles formes de participations pacifistes. Il n’y a donc
pas vraiment d’érosion.
La question de la
participation amène à des débats : dépolitisation et montée de
l’individualisme pour certains et nouvelles formes d’engagements et de
participations pour d’autres.
Il y a clairement
une forme de désaffection par rapport aux formes de participations
traditionnelles comme adhérer à un parti ou à un syndicat. Ces participations
politiques reposaient sur des groupes sociaux homogènes avec un projet commun.
On remarque toutefois que d’autres groupes surgissent et en particulier des
mouvements spontanées à caractère ponctuel et avec des contenus idéologiques
assez minces. Ainsi, le lien social se transforme plutôt qu’il ne décline.
III-
Les inégalités de
politisation : expliquer l’abstention.
1-
Participation et position
sociale : le « cens caché »
chez GAXIE
Les catégories les
plus élevées sur l’échelle sociale sont ceux qui ont la participation
électorale la plus régulière alors que l’apathie politique est plus développée
chez les classes sociales défavorisées. Plus curieux, actifs, investis pour les
positions sociales élevées contre distant, apathiques et passifs pour les
classes sociales défavorisés.
Pour émettre une
opinion politique, il faut disposer de certains critères d’évaluation et les
individus sont inégalement dotés culturellement, ce qui permet d’avoir ces
critères d’évaluation. Les plus démunis socialement et culturellement vont
avoir du mal à donner un sens à la politique ce qui va impulser un rejet ou de
l’indifférence. C’est une forme d’auto exclusion : on a l’impression de ne
pas appartenir au même monde. Parce qu’ils ont du mal à évaluer l’offre
politique, les plus démunis vont être instrumentalisés par les leaders et les
partis politiques.
Les inégalités
sociales se reproduisent dans le monde politique et se déclinent en inégalités
politiques. Ces individus inégaux vont être critiqués par l’ensemble de la
société comme des fautifs en appuyant l’idée qu’il y ait des responsabilités
individuelles alors qu’en fait, ces responsabilités sont collectives et
sociétales.
Les études de ces
dernières années ont montré que de plus en plus de gens s’intéressaient à la
politique. On observe que sur les 50 dernières années, il y a une augmentations
du niveau d’éducation, il y a donc de plus en plus d’individus qui ont les
capacités techniques pour comprendre les mécanismes politiques, ce n’est donc
pas un cens caché qui explique la hausse de l’abstention.
L’analyse de GAXIE
est statique, cela suppose que la population d’origine populaire a peu de
chance d’aller voter et qu’il n’y a pas de raisons que cela change. Les études
sur l’abstention montrent que l’abstention est dynamique, il y a peu
d’abstentionnistes constants (8 à 10% des inscrits avec des variations selon la
période et le type d’élection). Les votants constants représentent environ 40%
des votants. Les autres sont des votants intermittents, c’est 50% du corps
électoral.
2-
Politisation et
intégration sociale. (LANCELOT 1968)
L’intégration
social n’est pas un élément objectif mais c’est aussi un élément
subjectif : cela dépend aussi de l’idée qu’on les individus de leur
intégration sociale, si ils se sentent légitimes, bien intégrés. Ce n’est pas
qu’une question de niveau de revenu.
Plusieurs facteurs
interviennent, comme l’âge. La participation électorale est plus faible chez
les jeunes et chez les personnes âgées.
L’insertion
professionnelle. Les actifs ont plus tendance à aller voter que les inactifs.
Ceux qui ont des contrats de longue durée vont plus aller voter que les autres.
Il y a aussi un lien avec la mobilité géographique, si l’on n’est pas inscrit
sur les listes. Le fait d’avoir des enfants (intégration sociale) fait que l’on
a envie d’aller voter pour donner son avis au nom de l’avenir de ses enfants.
Comme le degré
d’intrégration sociale évolue au cours du temps, il semble logique que
l’abstention aussi : il y a un dynamise intrinsèque à la vie humaine.
3-
L’influence de la
conjoncture.
Le type
d’élection : on ne va pas voter pareil selon l’enjeu et la compréhension
que l’on a de l’enjeu.
Le calendrier
électoral : trop d’élections rapprochées lassent l’électeur. Cela crée de
l’abstention qui n’est pas en lien avec la volonté politique des citoyens.
4-
La crise des
rapports entre représentants et représentés (Etienne SCHWEISGUTH)
Il travaille à
partir de sondages et il observe que l’intérêt des citoyens pour la politique
augmente depuis 20 ans. Il observe aussi que les citoyens sont de plus en plus
informés. En revanche l’identification aux partis décline.
Cette observation
conteste deux thèses :
=> Cela va en
l’encontre de l’idée que le bien être matérielle aboutirait à un individualisme
et à un repli sur soi.
=> Cela va
aussi à l’encontre de l’idée que l’abstention est liée au manque d’instruction
politique.
Il
fait deux propositions :
=> Nos sociétés
contribuent à saper la crédibilité et le prestige des hommes politiques. Il y a
une autorité désacralisée : le niveau de vie et l’instruction des citoyens
fait qu’ils sont plus critiquent et plus autonome par rapports aux institutions
politiques (partis, syndicats, etc.)
La presse est
devenue plus libre et plus critiques à l’égard du pouvoir politique. Un
journalisme d’investigation s’est développée et va jusqu’à mettre sur la place
publique de la vie privée des hommes politiques. La vie des politiques se
déroulent sous l’œil permanent de la télévision. Les médias captent d’avantage
l’attention des individus en mettant en avant des aspects négatifs plutôt que
positifs, entretenant la désacralisation des hommes politiques.
=> Il y a un
apaisement des conflits idéologiques, il y a une convergence entre les
positions des grands partis. Cela affaiblit la propension des électeurs à
s’affilier à un homme politique, c’est le règne des modérés. Il y a aussi
beaucoup de cohabitation. On ne peut plus aussi facilement différencier les
idées de tel ou tel parti. Désaffection des plus jeunes.
Cette théorie
décrit un autre profil d’abstentionnistes qui ne s’intéressent pas aux
grands partis mais qui peuvent quand même s’intéresser à la politique.
S’abstenir peut être une forme de revendication, cela peut être une forme de
vote protestataire.
Conclusion :
Il faut retenir la
différence entre l’abstention constante et l’abstention intermittente.
Certaines formes d’abstention sont liés à un niveau d’éducation, une autre à
l’intégration social et enfin une liée à lé détérioration de l’identification.
Il y a un
relâchement de la contrainte sociale liée au vote. Cette position
d’abstentionniste est plus tenable pour les individus.
On peut réfléchir
à la différence qu’il peut y avoir entre l’absence de participation par les
formes conventionnelles et la politisation. Des travaux se sont mis en place
depuis 30 ans pour voir comment des populations marginalisée qualifiées
d’apathique politiquement ont en fait d’autres formes de participation
politique, parfois spécifique.
James SCOTT, l’art
de la résistance montre que des pratiques sociales qui sont a priori apolitique peuvent en
fait avoir une valeur très subversive et porter une forme de contestation
politique. Parfois, le rapport de domination est tellement fort que les dominés
ne peuvent pas contester le pouvoir dominant et contourne cette domination. En faisant
passer des charades, avec les gospels qui ont un double sens, se faisant passer
pour des chansons religieuses, les carnavals médiévaux.
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