jeudi 3 mai 2012

Contemporaine 03 - 05 (cours 9)

Précédemment : Contemporaine 30 - 04


Le leader dont s'inspire le FSLN, la guérilla nicaraguayenne, Augusto Sandino, au coté du Che



2.      La seconde génération guérilla et guerre civile d’Amérique centrale

Dans la seconde moitié des années 1970, ces pays d’Amérique Centrale, très soumis aux USA n’apparaissent pas comme des pays susceptibles de se révolter. Dans le Nicaragua, le Salvador et le Guatemala, des mouvements cousins vont se dérouler. Ils sont cousins car ils s’inscrivent tous dans la Révolution cubaine mais n’émergent que dans les années 1970. Pour échapper aux mouvements de répression policière, ils vont former des armées populaires. Ils quittent l’exemple des guérillas du Cône sud qui sont avant tout des guérillas groupusculaires. Ici on a des guérillas populaires et paysannes consistantes qui amènent à des situations de guerres civiles.
La répression politique est forte avec des situations d’emprisonnement, de torture ou d’assassinat. On aura plusieurs dizaines milliers de mort dans le mouvement le moins fort, environ 150 000 au Nicaragua. Le succès de ces guérillas leur est donc fatal.

Dans le cas du Nicaragua, on a la guerre civile de 1974 à 1979 et au final c’est la guérilla qui gagne cette guerre et cela permet de faire accéder au pouvoir en 1979 un président réformiste avec un gouvernement socialiste, qui tombera bien rapidement. C’est un succès dans un cadre légal de la guérilla.
Dans le Guatemala et le Salvador, c’est un échec des guérillas qui entrent ensuite dans des régimes dictatoriaux. Ces deux pays, vont être menés sous la houlette d’une armée très répressive.


Des guérillas nées de la Révolution Cubaine, on a le succès des guérillas du Cône Sud en politique avec une conséquence politique forte, la légitimation des coups d’état militaires. Dans l’Amérique centrale, les guérillas ont plus de consistance mais généralement elles n’accèdent pas au pouvoir, provoquent des guerres civiles vastes et si elles accèdent au pouvoir, elles tombent un peu après (Nicaragua).


"Pincohet qui est un grand enfant, car dans Pinochet, il y a hochet", P. Desproges


Les dictatures de sécurité nationales


Entre le milieu des années 1960 et le milieu des années 1970, entre le coup d’état du Brésil en 1964 et celui d’Argentine en 1976, tout les pays d’Amérique latine tombe sous le coup de régimes militaires sauf la Colombie au sortir de la Violencia. Ces régimes militaires ne se fondent pas sur la logique des caudillos, ces chefs isolés chargés d’un prestige et d’un réseau. Dorénavant, on a à faire à des armées professionnelles avec une structure hiérarchique ou les militaires ont le pouvoir de leur corporation, il n’y a plus d’individus isolés. Dans les années 1970, ce sont ces institutions militaires qui vont au pouvoir et qui s’y maintiennent par cette armée. Ces régimes se ressemblent énormément, ils sont toujours autoritaires, très anticommunistes, conservateurs et particulièrement répressifs à l’égard de toute la gauche. Seule la Pérou se met un peu à part, où le coup d’Etat militaire qui a lieu en 1968 porte Velasco au pouvoir et celui-ci mène des réformes sociales et agraires, c’est l’exception non-conservatrice.
Tous ces régimes ont reçu l’appellation « dictatures de sécurité nationale » fondée sur une doctrine de sécurité nationale, une sorte d’imaginaire commun des chefs militaires. L’idée que le pays est en guerre permanente, une guerre souterraine et invisible liés à ces guérillas cachées, ces guerres idéologiques, … L’ensemble du pays doit se mobiliser pour cette guerre. Donc en conséquence, pour cette guerre nationale, les militaires doivent diriger l’intégralité du pays. Les mouvements de guérillas qui existent ne sont pas toujours organisés, ce sont des excuses pour les dictatures militaires.
Ces régimes ont beaucoup marqué la population et ont énormément divisé la population, c’est une plaie ouverte dans l’imaginaire collectif des pays du Cône Sud. Plus particulièrement le coup d’état chilien qui a même eut un écho très fort en Europe. D’autant plus, que la gauche française s’étant pour des élections alliée au Parti Communiste Français et que les contacts avec le Chili s’étaient accrus. Salvador Allende et son gouvernement socialiste était un gouvernement de transition apparaissant comme un modèle pour la Gauche française. Son suicide puis l’arrivée en grand nombre des exilés chiliens (200 000) vont véritablement secouer la France.

Plusieurs questions en découlent. Ces Etats sont-ils intégralement militaires ? On parle parfois de régime civil militaire puisque le militarisme touchait la population. Y’a-t-il des caractéristiques nationales à ces mouvements ? Sont-ils juste le fruit d’un contexte structurel de guerre froide ? Ont-ils été si terribles qu’ont l’a imaginé avec 380 morts en 20 ans au Brésil, 3 000 en 26 ans au Chili et 30 000 en 6 ans en Argentine ? Peut-on  surtout les comparer ? Enfin les politiques économiques de ces dictatures ont beaucoup favorisé l’ultra-libéralisme en détruisant l’héritage social des populismes les précédents. Pourtant, ce n’est pas vrai partout, au Chili aucun doute, au Brésil beaucoup moins.


I.                   Les contextes des coups d’Etat

1.      Les USA et l’Amérique Latine à l’heure de la guerre froide

La guerre froide éclot en 1947 et semble épargner pendant plus de dix ans l’Amérique Latine, des conflits périphériques éclatant en Asie mais n’ayant jamais lieu sur le continent américain. Certes il y a un impact puisque les USA utilisent leur pouvoir politique et économique sur ses pays en interdisant les partis communistes, qui du coup deviennent clandestins entre 1947 et 1948. Mais ce qui fait vraiment entrer la guerre froide en Amérique Latine, c’est la Révolution cubaine et c’est de là que les USA vont tenter d’empêcher la « contagion », l’apparition de régimes communistes proches de leurs frontières.

On commence par développer une stratégie économique sous Kennedy qui met en place un plan de financement, l’Alliance pour le progrès en 1961. C’est un système de financement massif qui doit servir à éradiquer la pauvreté en Amérique Latine puisque selon eux, le communiste apparait en situation de pauvreté. Très rapidement, cette Alliance montre ses limites et dès 1964, le gouvernement reconnaît son échec.
A partir de là, les USA vont tenter de recourir à la force pour maîtriser ces pays qui deviennent plus à gauche que ne l’accepte les USA. Longtemps, les USA n’ont pas hésité à intervenir directement comme avec le renversement en 1954 de Jacobo Arbenz et de son gouvernement réformiste de gauche. Il tentait de nationaliser des secteurs et de mettre en place une réforme agraire. Ce genre de politique d’ingérence est possible dans les pays sous forte tutelle états-unienne et de préférence de petite taille. Impossible de reproduire cela ailleurs. En conséquence les USA vont former les armées sud-américaines pour lutter contre les formes de politiques de gauche. Ainsi les colonels et généraux des armées sud-américaines vont être invités à suivre des cours d’entraînement dans des camps (Ecole de l’Amérique), vont financer les achats d’armes, vont traduire des manuels militaires, … On les prépare à l’imminence de la révolution communiste et à la manière de les combattre et de faire des coups d’Etats.

En 1964, les militaires sont donc convaincus de cette imminence de la Révolution communiste d’autant qu’ils ont lu des ouvrages français sur les théories militaires et de politico-répression développées par la France suite à la guerre d’Algérie. Persuadés de la vague communiste en Amérique Latine, ces colonels conservateurs vont donc intervenir.

2.      Les situations politiques nationales

A.     Le ralentissement de la croissance

Il y a un essoufflement du modèle économique dominant. L’ISI fut un mouvement d’industrialisation qui a permis une urbanisation faisant quitter les paysans de la campagne pour se réfugier en ville, en périphérie, dans des bidonvilles. Parallèlement, les Etats se sont enrichis, notamment en nombre de fonctionnaires. On a donc une hausse des ouvriers, des fonctionnaires et des urbains. Quand l’ISI s’essouffle, ces populations sont tout de suite touchées. Les petites classes moyennes sont exclues de l’ascension sociale, les ouvriers mis au chômage, … Toutes ces populations vont produire des tensions sociales dans les années 1960, en manifestant, en occupant les usines, … Dans certains cas, elles gagnent en portant des réformistes de gauche au pouvoir (Salvador Allende au Chili, João Goulart au Brésil, …). L’agitation sociale est alors très forte.
L’autre partie de la population y voit la manifestation d’une révolution communiste. Plus ces classes urbaines se mobilisent, plus les classes moyennes supérieures et la bourgeoisie prennent peur d’un début de révolution communiste (Isabel Allende, La maison aux esprits). Ces classes effrayées utilisent les mêmes méthodes de contestations avec des manifestations contre les tendances communistes de l’autre partie de la population.

B.     Le rôle politique des forces armées internationales

Dans ce contexte, apparaissent sur la scène politique des militaires qui sont déjà intervenus dans le milieu politique et dans le domaine public. Ils ont donc une légitimité accordée par la population pour intervenir dans l’espace public. Mais les interventions fréquentes des militaires dans l’espace public, ne leur permettaient pas de se maintenir bien longtemps. Ainsi, on s’imagine que lorsqu’ils arrivent au pouvoir, ce n’est pour pas longtemps. Ainsi, personne n’est réellement effrayé par leur arrivée au pouvoir puisqu’on estime qu’ils vont simplement rétablir l’ordre, mettre les plus extrémistes en prison puis quitter le pouvoir. Ainsi en 1964, le Brésil n’est guère ému de cette arrivée au pouvoir, De Gaulle ira même le rencontrer au début de son mandat brésilien.
Au fur et à mesure que ces coups d’éclats ont lieu partout, il apparaît au pouvoir public qu’on entre dans des régimes militaires durables. C’est à partir de ce phénomène que se construisent des états militaires avec chacun leur contexte particulier.


II.                Les Etats militaires : entre répression et refondation sociale, économique et politique

1.      Les projets politiques militaires

Le point commun de tous ces militaires est de rattacher leur contenu politique à une doctrine nationale qui apparait sous ses premières formes juste après la Seconde Guerre Mondiale, simultanément dans tout les pays. Le cœur de cette doctrine est que les nations latino-américaines dans un contexte de guerre froide, sont dans une situation de guerre imminente. L’ensemble de l’organisation sociale et politique doit s’orienter vers la préparation de cette guerre. L’organisation sociale, la culture, les institutions, … Toute la société est orientée et mise à contribution dans cette logique de guerre totale. Les colonels latino-américains appliquent cela à des pays en paix. Le système politique, la production et la société doivent être ordonnées, disciplinées, soumises à des élites compétentes et formées à la guerre. C’est une forme d’idéologie totale.
Cette idéologie est tellement en rupture avec les politiques précédentes, que les militaires eux-mêmes vont parler de « révolution » pour qualifier ce changement radical. Au Brésil, le coup d’état est appelé la Révolution démocratique et rédemptrice. Ces coups d’état, pensés comme des révolutions, vont avoir de forts impacts. Les militaires argentins vont réformer les mathématiques en condamnant la théorie des ensembles, trop communiste selon eux. Ces coups d’état sont donc issus des imaginaires conservateurs très anciens et en particulier de l’imaginaire de l’ennemi intérieur. Cet ennemi est alors le communiste et l’armée peut sauver le peuple de cette menace.

2.      Les acteurs des nouveaux régimes autoritaires

En premier lieu les postes de gouvernement, de provinces, … Tout ces hauts-postes sont tenus par des militaires avec des organisations quelques peu différentes. Au Chili, il y a un chef et c’est ce chef qui organise tout : Augusto Pinochet. Le coup d’état de Pinochet eut lieu le 11 septembre 1973. Ni l’Uruguay, ni l’Argentine n’ont connu ce pouvoir personnaliste mais on plutôt possédé des triumvirats avec un chef militaire pour l’armée terrestre, un autre la marine et le dernier l’aéronautique. Enfin, au Brésil, les militaires furent élus par un Congrès épuré, une loi favorable aux militaires, … Mais les élections eurent tout de même lieu avec un total de cinq généraux qui deviennent présidents du pays lors des élections successives.

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