Non ce n'est pas Auguste, juste Tacfarinas
Dans
les années
20, sous Tibère, dans un contexte de développement de routes
militaires en Afrique du Nord, on a des routes de la côte vers l’intérieur des
terres. Ces voies de pénétration vers
l’intérieur passent aussi par le don de terres à des tribus nomades, certains
se sédentarisent mais beaucoup d’autres se crispent face à cette pratique,
d’autant plus avec la construction de routes qui est une forme d’impérialisme
romain. Dans ce contexte, Tacfarinas auxiliaire et chef venu plutôt de
l’élite, fédère des tribus berbères et maures, sur un espace assez vaste. La révolte dure 6 ans, sous forme de
guérilla, ce qui perturbe l’armée romaine. Mais petit à petit les révoltés
s’affaiblissent et Tacfarinas se suicidera au bout de ces 6 ans. La
sédentarisation et le contrôle des populations avec des pratiques de
cadastration où l’armée joue un grand rôle.
Selon
Tacite, Tacfarinas demande à Tibère un territoire autonome qui serait client de
Rome, ce qui n’était pas une autonomie totale. Comme pour Bouddica, c’est l’époque où Rome passe des royaumes clients
à l’administration romaine directe mais où les révoltés comprennent qu’ils
n’ont guère d’indépendance.
Il n’y a qu’une grande révolte
pour laquelle on a des points de vue de révoltés, les révoltes juives. C’est aussi dans ce contexte qu’émerge le christianisme.
La conquête de la Judée date de Pompée
dans les années – 60 mais le royaume est
client, non pas annexé. C’est sous Auguste, que le royaume est annexé puisque le roi de Judée Hérode le Grand est proche d’Auguste et a
un rôle important. Il a une double ascendance juive et non-juive et
n’appartient pas à l’élite traditionnelle juive, donc il a les aristocrates
conservateurs contre lui. Cela est renforcé par le heurt des traditionnalistes
face à ses travaux de modernisation. Très hellénisé voire romanisé, Hérode le
Grand organise des concours isolympiques à Jérusalem en – 27, ce qui choque puisque se sont des jeux païens. Il fonde
aussi Césarée, une cité typiquement grecque. Il envoie des judéens dans les
armées romaines, … Bref Hérode le Grand
est un roi client classique ce qui heurte la tradition judéenne. Dans cette région où on trouvait peu de
cités sur lesquelles le pouvoir romain pouvait s’appuyer, il fallait en créer
pour pacifier la région et l’inclure au monde romain. Hérode mène cette
politique et progressivement Rome reprend en mains l’administration directe ce
qui sur le long terme permet de provincialiser la région dès qu’il y a des
structures qui le permettent. Ainsi en 6, le fils d’Hérode le Grand est déposé
par Rome et la Judée passe sous le contrôle du gouverneur de Syrie. La Judée
n’est pas une province mais un district associé à la Syrie. C’est un préfet
qui gère la Judée, il dépend du gouverneur de Syrie et siège à Césarée. On voit
dès ce moment une prise en main plus directe avec des recensements et des
cadastriens.
Dans cette période, un conflit
semble émerger entre les autorités romaines et les autorités juives
traditionnelles. Les Romains ont un comportement assez contradictoire d’Auguste
à Claude. Ils
appellent à respecter le temple, la Torah est la loi des juifs, une sorte de
loi nationale. Les Juifs sont exemptés du service militaire et en cas de
procès, on ne les convoque pas le samedi. C’est de nouveau l’autorité locale
qui s’applique. Dans le cas des préfets romains, il semble que ceux-ci ne
tiennent guère compte de ces lois ce qui provoque des troubles.
Avec Claude, la Judée redevient un royaume
pour des raisons politiques, il faut replacer le petit-fils d’Hérode le
Grand sur le trône, Hérode Agrippa. Proche de Tibère, de Caligula et
de Claude, Caligula puis Claude vont le placer par intérêt diplomatique et
personnel. La monarchie reste sous contrôle romain. Son fils Hérode Agrippa II rencontrera la première grande révolte de 66 à 73. On a des sources romaines (Tacite) et
d’autres juives (Flavius Joseph, aristocrate juif devenu romain). On a aussi
trouvé un texte d’une communauté juive révoltée avec Qumran. Guerre difficile menée par Vespasien
et Titus,
cela se finit par un pillage complet du Temple, la destruction des autorités
locales de Jérusalem, en particulier le Grand Prêtre de Jérusalem et les rites
sont interrompus. Catastrophe pour cette population. Mais durant cette guerre, on a aussi eu une guerre civile à Jérusalem avec
Hérode Agrippa II et sa sœur Bérénice qui sont du coté des Romains, on a l’idée
d’une intégration de Jérusalem en cité classique, contre des opposants qui
veulent leur indépendance. Au final, Hérode Agrippa II garde une partie de son
royaume et en 73, la Judée devient après la mort de son roi une province
impériale avec une légion présente en permanence.
Une deuxième guerre éclate entre 132 et 135, sous Hadrien. Dans les clauses ponctuelles avant
cette révolte, on a l’interdiction de la circoncision perçue par les Romains
comme une extension de la castration, et probablement une reconstruction de
Jérusalem. Hadrien achève de faire de Jérusalem une colonie romaine en
construisant un temple pour Jupiter sur l’emplacement du Temple. Cela enflamme
les esprits en Judée et semble déclencher la révolte de 3 ans où 12 légions y
seront envoyées. La répression est féroce et Jérusalem en vient même à
être interdite aux Juifs. Le nom de la province est changé devenant la
Syrie-Palestine et marquant la fin de l’agitation dans cette région.
C’est véritablement une révolte
nationale qui propose un régime alternatif en lien avec une forte attente
religieuse. Même dans le cas où la guerre se fait contre les Romains, il
n’y a pas d’unanimité dans la population juive, certains voulant être intégrés
à l’Empire, d’autres l’étant déjà (les Juifs de Rome ne furent jamais menacés).
Après la grande répression, le messianisme s’essouffle et les relations entre les
Juifs de Jérusalem s’améliorent, des compromis sont trouvés et les autorités
juives traditionnelles sont restaurées. Sous
les Sévères, on a d’excellentes relations entre Rome et la Judée. Ces relations
ne sont pas statiques, Rome non plus et la Judée encore moins.
Pour
les Chrétiens, le courant des disciples de Jésus qui l’emporte, quitte assez
tôt le judaïsme et le choix notamment fait sous Paul, c’est de ne pas se
considérer comme le Chrétiens comme un peuple prédéfini et de s’adresser à tout
le monde. Cela permet une meilleure intégration des Chrétiens dans l’Empire et les structures du Christianisme vont se
modeler sur la structure de l’Empire en
quittant le cadre de Jérusalem.
Ne
jamais oublier que les sources ont un point de vue orienté (majoritairement
pro-romaines) mais malgré tout, il
semble que la majeure partie des agitations de l’Empire sont fiscales et
sociales plus qu’indépendantistes et nationales (a fortiori quand le terme
nation est anachronique dans l’antiquité, à Jérusalem, on a une révolte d’un
peuple mais ce peuple était divisé, il ne formait pas un bloc opposé
frontalement à l’Empire).
Une vision très XIX° siècle de Vercingétorix
Conclusion
Plusieurs
questions reviennent.
Le fonctionnement de
l’administration romaine avec deux tendances en historiographie. Ceux qui
valorisent l’Empire romain
comme mode d’administration impériale
par excellence. Cette vision moderniste demeura tout le XIX° siècle, servant pour les Empires coloniaux
(voies de communication, système fiscal, adhésion des provinciaux nécessaire,
…). Après la seconde guerre mondiale les
historiens nuancent cela. Certes
pour durer aussi longtemps sur un espace aussi hétérogène, c’est qu’il y a un
système administratif romain efficace mais celui-ci passe très peu par Rome
même. La super structure qui chapote le réseau des administrations locales,
c’est l’âge d’or de la cité romaine.
L’importance de la place du
prince dans cette non-bureaucratie. L’idée actuelle fut développée par Fergus Millar fin des
années 1970. Il parle d’un modèle
« pétitions et réponses »,
on a une organisation de l’Empire sous Auguste mais après celui-ci, le
gouvernement impérial agit par réactivité en légiférant, mais agit assez peu
par lui-même, surtout à notre période. De plus, ce système lui permet de
s’adapter aux situations de chacun.
La question de la romanisation
est elle aussi un débat.
Bibliographiquement, on a deux articles de Patrick
Le Roux et un d’Hervé Inglebert assez
récents qui synthétisent les grandes idées. La romanisation, on utilise tout le
temps ce terme sans le définir. Or on n’en a pas de meilleur. Par romanisation, on peut désigner les
éléments objectifs : diffuser la citoyenneté romaine. Si on prend le terme
romanus, on a deux sens : le
sens géographique, tout ce qui a trait à la ville de Rome, et culturel, mœurs, mentalités ou
encore religions. Comme au niveau de la langue ou le grec et le romain sont
très diffusés, on n’a pas pour autant de réelle romanisation de la langue. Les
gens manient plusieurs langues en fonction des niveaux sociaux. On peut considérer donc qu’il y a une
romanisation au sens d’un progrès qui part d’un centre unique : Rome et
ses vrais Romains (XIX° siècle).
C’est une vision diffusionniste avec Rome au centre du monde, avec des
éléments supérieurs aux autres peuples et donc en profitant pour diffuser ses
connaissances. Ce caractère évolutif est
donc contesté.
L’historiographie est ensuite marquée
par le colonialisme, ce qui entraine des visions contradictoires. Ainsi les Gaulois absents des
ouvrages de cours jusqu’au XIX° siècle, on parle surtout de la France depuis
les Romains avec un grand rôle donné à César, Vercingétorix disparaît. Au cours
du XIX° siècle, le roman national qui cherche les racines de la nation, les
liens entre le peuple et le territoire, fait alors réapparaître le Gaulois
progressivement. On les circonscrit à l’espace de la France du XIX° siècle (en
oubliant la Belgique et le Sud de la France), et Vercingétorix devient un héros
national. Cela complexifie les situations puisqu’on considère que la romanisation
était aussi un bien. Cela vient de Napoléon III qui rédige une biographie
favorable à César, il lance alors des fouilles sur le territoire pour retrouver
les lieux cités dans la guerre des Gaules. Cela aboutit à la création de deux
sites pour Alésia entre les pro-Napoléon III et les Républicains. Du coup, on
stylicise le Gaulois avec les statues de Vercingétorix faisant des Gaulois des
grands blonds charismatiques et forts. On lui construit beaucoup de statues en
France. On concilie finalement les deux
analyses en valorisant la nation gauloise mais avec une défaite nécessaire pour
arriver à la romanisation comme progrès.
Excepté en politique et dans les
cultures, les historiens distinguent l’impérialisme romain et l’impérialisme
contemporain. Pour un Romain comme pour un Grec, à partir du moment où on vit
en cité, on est romain (???). Il n’y a aucune idée de supériorité linguistique,
culturelle ou religieuse. De plus, si on parle ensuite d’acculturation ou
d’assimilation, on prend en compte l’adhésion volontaire de certains
provinciaux à la culture romaine. On a donc cherché à faire la part des choses
en se plaçant dans l’interprétation des provinciaux, pour voir leur
adhésion et leur résistance, en particulier dans le cas des élites qui
s’intégrèrent vite.
Aujourd’hui la civilisation
romaine n’est pas donnée pour les historiens, elle se construit dans la période
impériale en intégrant des éléments des provinces. La culture romaine a
toujours intégré des éléments étrangers, notamment grecs. On a des
particularités romano-provinciales qui ne sont pas forcément le signe d’une
résistance. Ainsi
dans le cas des langues, parler araméen n’est pas résister à Rome, la ville n’a
pas lutté contre les langues. Rome n’était pas face à des sous-cultures. Après
Rome montre bien qu’on peut composer
dans son identité : Apulée, Aelius Aristide (de la seconde sophistique,
mise en valeur de l’héritage grec par des citoyens romains), Hérode Atticus
(riche sénateur romain), … Le identités sont multiples et on peut cumuler ces
identités dans l’Empire. On ne peut
chercher des identités fixes, elles sont mouvantes. Peut-on alors parler d’une
romanisation ou de plusieurs romanisations ?