mardi 27 septembre 2011

Introduction et séance 1 du CM de sociologie des TIC.

Sociologie des Technologies de l'Information et de la Communication.

Histoire et évolution sociale des TIC (ou médias). Diffusion au sein de la société de technologies numériques. Nous avons la certitude que ces technologies se sont répandues dans la société : les personnes qui sont nées à des périodes différentes de l'histoire se sont habitués à des technologies différentes (nous = génération internet ; génération 60' : début de la microinformatique domestique ; génération 40 : généralisation du téléphone filaire). Affirmation que l'on va discuter : ces médias arrivent par vagues successives.

Michel CALLON et Bruno LATOUR sont des sociologues qui se sont intéressé aux phénomènes d’innovation. Ils proposent de différencier deux modèles.
Modèle de diffusion : cela résume la compréhension que l'on a du sujet. On explique le succès de l'innovation par les qualités de la technologie qui se diffuse. Ex : généralisation de la HDTV car les nouveaux téléviseurs sont de plus en plus robuste et de moins en moins cher. Point de vue économiste : il existe une offre cohérente.
On s'intéresse à la société qui produit ces technologies en plus des qualités directes de la technologie. Téléphone portable se diffuse car répond au besoin de la communication en déplacement : « communication itinérante » : la sociologie a montré que cette explication ne convient pas.
Si les qualités de la technique et de la société sont importantes, alors la technologie va se diffuser. CALLON et LATOUR pense que ce modèle est un peu trop simple pour décrire ce qui se passe réellement. Ils préfèrent le modèle suivant.
Modèle de traduction : Il n'y a pas une technologie qui se diffuse plus ou moins dans la société en raison de ses qualités intrinsèques. Ils remettent en cause l'idée que l'on peut opposé deux univers très stable que sont la technologie et la société, ils portent plutôt attention aux acteurs de la société qui s'intéressent à ces technologies comme les laboratoires, les groupes de passionnés et les entreprises (entre autre). Ce sont des groupes qui s'emparent de la technologie et qui en font la promotion, permettant d'atteindre de nouveaux utilisateurs et de nouveaux marchés. On explique ce qui se passe par l'action des utilisateurs de la technologie, cette dernière ne peut se répandre seule grâce à ses qualités.
Contrairement au modèle de diffusion, on ne considère pas que la technologie se déplace tout en restant identique à elle-même : dès que des acteurs sociaux s'emparent de cette technologie, ils contribuent à transformer cette technologie. Déjà car ils en modifient le sens mais aussi car ils peuvent la transformer dans sa matérialité. « Traduction » car translation model, ce qui signifie mouvement dans l'espace et traduction d'une langue à une autre (d'un univers social ou d'usage à un autre).

Complexifier et sociologiser la vision que l'on a d'un média : un média ne sort pas seul sous sa forme définitive, il faut la coordination de très nombreux chercheurs pour comprendre ce qui est réalisable, se dégage alors la conséquence qu'il y a des très violentes controverses (techniques, sur les utilisations, économiques).
Outre le fait que l'on peut définir un média par des micro-événements, comme on va le faire de le cours, il existe des très grandes tendances propres aux évolutions macrosociales depuis la fin du XVIIIe siècle : la naissance de l'Etat moderne, le développement de la bourse et des marchés financiers, l'invention de la vie privée (individualisation et sphère de l'intime) et l'individualisme dans les sociétés dites postmoderne.

Ex final : dissertation → informations détaillés et factuelles + notions générales.

Séance 1 : la radio.

(Média de type broadcast  (: média de diffusion vers une grande quantité d'autiteurs) n'a cette définition que lors de sa stabilisation, sa dernière forme. Avant, plutôt un média interpersonnel.)

Périodisation :
L'idée générale approximative que des grands médias se succèdent les uns après les autres est déjà repérable en France dés le XVIIIe siècle : grâce à CHAPPE qui a produit le télégraphe optique, système de grandes tours construites sur les zones les plus élevées où il y a des planches en bois articulés permettant de désigner les lettres de l'alphabet, visible à très longue distance. Cela permet de diffuser un message simple à travers le territoire français en environ une journée, c'est un service d’État qui sert au début aux informations militaires.
C'est sur cette base que se met en place dans les 1830-1840 le télégraphe électrique. On envoi une lettre après l'autre mais l'information se propage par fil électrique et donc de façon instantané, grâce au code MORSE on transmet un message en quelques minutes.
Invention et mise en place du téléphone ; on envoi à distance une reproduction de la voix humaine de façon instantanée.
Fin du XIXe siècle apparaît la radio.

Récit historique de la radio qui est conforme au modèle de la traduction de LATOUR et de CALLON. Nous allons distinguer les acteurs sociaux. Au début, les acteurs sociaux étaient des savants (chercheurs) puis des ingénieurs/inventeurs et enfin il y a une grande diversité des acteurs qui va émerger : des acteurs de la sphère publique et du marché.
Notion de médiation : une innovation va prendre de l'ampleur à mesure qu'elle va s'attacher à un grand nombre d'acteurs sociaux. Plus il y a des liens de médiation, relation entre la technologie et les acteurs sociaux, plus la technologie se répand et se banalise. Médiation sociale et médiation sociotechnique.

Sphère sociale de la science.
En 1870, les ondes radios sont inconnues. Le concept d'émetteur/récepteur radio n'est pas connu. L'histoire de la radio commence par la mise en évidence des ondes radios et cela se fait dans des laboratoires de recherche, cela utilise la physique. Les préoccupations des scientifiques est d'ordre cognitif : augmenter les connaissances et notamment de définir et de connaître la nature profonde de la lumière. Il y a une vision ondulatoire et une vision corpusculaire. Ils cherchent aussi à savoir ce qu'est la nature profonde de l'électricité (que l'on connaît depuis environ un siècle sans vraiment comprendre).
MAXWELL (anglais) en 1864 propose une nouvelle théorie de la lumière d'ordre ondulatoire, qui a comme particularité de rendre compte à la fois de la lumière et de l'électricité. Elle parvient à expliquer scientifiquement de la même façon les phénomènes lumineux et électriques. Il pense comme la plupart des physiciens de son époque que le vide n'existe pas, que l'univers est constitué d'un fluide invisible, l'ether. L'électricité et la lumière sont alors des perturbations de l'ether qui se propage sous forme d'ondes. La conséquence de cette théorie est que l'électricité est capable de se propager à travers l'air comme le fait la lumière, seulement à l'époque personne n'a réussi à faire cela.
HERTZ (allemand) commence, comme d'autres, à travailler dans une direction nouvelle. Il s'efforce de transmettre a distance une action électrique. La source se manifeste par des petites étincelles électriques qui apparaissent lorsque l'on rapproche deux fils électriques. Il tente de montrer que cela influence à distance d'autres étincelles. Cela marche, travaux rendus publiques dans les 1880' : c'est un grand étonnement car pour la première fois c'est une théorie mathématique qui préexiste au travail de laboratoire.
BRANLY (français) s'intéresse aux ondes hertziennes. Il fabrique un détecteur plus simple à utiliser que la méthode avec les étincelles (un tube rempli de limaille de fer qui a la capacité de conduire l'électricité, cette capacité étant modifiée lorsqu'une onde radio passe).
LODGE (anglais) perfectionne les expériences précédentes et il commence à introduire dans le l'émetteur et le récepteur, un appareil d'horlogerie qui permet de faire passer un code MORSE.

Tous ces individus sont des scientifiques, ils cherchent à faire des découvertes et à produire des connaissances nouvelles. L'objectif est de démontrer publiquement qu'ils ont raison : les techniques et appareils ne servent qu'a exhiber des phénomènes devant des collègues et des élèves, devant la société savante (société française de physique à Paris, réunion tout les deux mois).

Acteurs sociaux : inventeurs indépendants et salariés de grandes entreprises.
Ce qui intéresse ces individus est de mettre au point des technologies qui fonctionnent, construction d'un prototype puis ils déposent un brevet qui matérialise ce qui a été inventé.
A l'époque, il y a trois grandes difficultés que ces acteurs tentent de résoudre.
Tout d'abord, la communication sans fil. Dés le début du télégraphe électrique (1840') les ingénieurs tentent de diminuer la quantité de fil puis de s'en passer (les tous premiers câbles possèdent 7 câbles, complexe a produire, on arrive a n'utiliser qu'un seul fil). La première innovation est faite par MORSE lui-même : il utilise la capacité qu'a le sol de transmettre un peu l'électricité. Le signal s'épuise au delà de deux km. EDISON et BELL travaille aussi sur ce sujet, ainsi que PREECE, l'ingénieur en chef du télégraphe électrique en Angleterre. Ce dernier tente de faire passer des signaux télégraphiques à travers le sol et à travers l'eau. Son rêve est d'arriver à connecter le réseau télégraphique français et celui anglais en faisant traverser la Manche aux signaux mais il n'y arrive pas.
MARCONI, à la toute fin du XIXe siècle, est un homme passionné de science et de technologie, vivant avec ses parents. Il fréquente RIGHI, un expert en onde. MARCONI parvient à réaliser seul, à partir de ses contacts avec RIGHI, des expériences sur les ondes radios. Il s'intéresse au grand défi, parvenir à transmettre un message télégraphique en code MORSE en se passant de fil. MARCONI est à la fois en contact avec le monde de la science et avec le monde de la technologie. Les individus qui ont des appartenances sociales multiples ont un rôle social essentiel dans la diffusion d'une technologie, ce que l'on généralisera plus tard.
Ensuite, l'autre difficulté est la communication à longue distance. Obsession qu'à MARCONI, augmenter la porté des émetteurs radios. 1898 : 23 km ; 1899 : 50 km et en 1901 : à travers l'Atlantique. On peut considérer qu'on retrouve une version du modèle de diffusion, qui dit beaucoup qu'une technologie nouvelle se propage du monde de la science à celui de la technologie pour ensuite aller du monde de la technologie à la société. On peut penser que l'on est dans quelque chose de cette ordre : il fonctionne en première approximation. Le fait que MARCONI ne soit pas un scientifique l'a fait avancer : il s'est efforcé de réaliser des exploits techniques que les scientifiques pensaient qu'ils étaient irréalisable. HERTZ pensait que les ondes radios ne pouvaient se transmettre que sur quelques mètres. MARCONI avait moins de respect pour la science instituée, il ne s’arrêtait pas à ce qui était dit possible. Les scientifiques pensaient que l'onde radio allait en ligne droite et donc le signal ne devait pas atteindre aux USA à cause de la courbe de la terre. Ce n'est que dix ans plus tard que les scientifiques ont trouvé une explication (ionosphère).
La troisième difficulté est de passer d'ondes amorties à des ondes entretenues : passer d'un signal bref à un signal continu (signaux se répétant à intervalles réguliers). Cela permet d'envoyer du son. MARCONI tente aussi de résoudre le problème. Des difficultés se posent : il y a un spectre trop large et il y a le problème de la syntonie : la difficulté de régler un récepteur avec un émetteur.

Acteurs sociaux : des entrepreneurs, des militaires, des assureurs, des hommes politiques et des utilisateurs ordinaires.
Il faut distinguer deux cas. Il y a deux séries d'événements en parallèle. Tout d'abord, on va avoir un usage et une façon de communiquer qui existe deja, celle du télégramme électrique : c'est une innovation de processus. Ensuite, il y a la rencontre d'une nouvelle technologie qui va rencontrer, au travers de médiations, des pratiques sociales très éloignées.

Innovation de processus : utilisation centrale est la communication type télégraphe électrique en se passant de fil. Être en communication avec des individus qui ne peuvent être atteint par un fil (en bateau, notamment). Ce ne sont pas des utilisateurs ordinaires mais plutôt de très gros clients qui font avoir une assise financière solide pour financer les premiers développements. On retrouve MARCONI qui évolue aussi dans le monde marchand, c'est un chef d'entreprise. Il tente d'approcher des industriels et des militaires pour essayer de leur vendre les technologies qu'il a breveter et que l'entreprise MARCONI commercialise. Il arrive à approcher PREECE qui est l'ingénieur en chef du télégraphe britannique ainsi que le capitaine JACKSON en charge des transmissions dans la british navy. Ils sont tout deux intéressés par l'offre de MARCONI, ils veulent un système de communication qui permettent d'échanger des informations avec les phares (qu'on ne peut pas souvent atteindre par réseau filaire) ainsi que de pouvoir communiquer avec les navires militaires. La LLOYDS (compagnie d'assurance) a des bureaux dans la quasi totalité des ports de l'époque, elle couvre les risques des armateurs et notamment les pertes de bateaux : elle a besoin de produire des statistiques précises de perte de bateaux. Tous les bureaux s'équipent de poste radio dans le but de s'échanger des informations sur les pertes pour calculer le système de prime, pour évaluer les risques et ainsi gagner de l'argent. Ce système est donc un système fermé car c'est le personnel de MARCONI qui peut fournir le matériel MARCONI a des individus d'un milieu précis.
Il existe toutefois des postes radios d'amateurs mais ce sont plutôt des bricoleurs.
En 1872 (date?), le titanic sombre : il arrive a envoyer un message de détresse qu'un amateur reçoit, permettant à la presse de savoir quasiment en temps réel l'accident. Après cet événement, il y a une demande de la fin de ce système fermé pour que chacun puisse envoyer et recevoir un appel de détresse. Aux USA se met en place une filiale américaine de l'entreprise MARCONI. On ne parlait pas à l'époque de radio mais de TSF (télégraphie sans fil).

Innovation de produit :
Ce n'est plus un prolongement de la télégraphie sans fil mais l'apparition d'un média nouveau. Cette émergence va être possible suite à des médiations qui vont le relier à deux attitudes sociales qui sont alors en plein développement.
La communication libre :
Au début du Xxe siècle apparaît la volonté de pouvoir utiliser soi-même des outils de communication à distance aux USA, mettant en avant la question des libertés individuelles. Ces outils sont considérer comme un droit pour les citoyens, aux USA, ce qui fait que l’État a dut financer un développement technique pour rendre le média accessible à la population. En 1899, MARCONI commence à se faire connaître aux USA, il y a deja un certain nombre de test publique qui permettent d'envoyer des signaux radios à travers les USA. Il est rapidement considérer comme une forme de héros. La presse américaine se passionne pour les progrès de la radio, se met en place un imaginaire futuriste autour de la radio présentée comme un moyen de communication libre et accessible (description dans la littérature de groupes d'individus qui ne se sont jamais physiquement rencontrés mais qui partage une passion). Il y a un mouvement de passion amateur pour la fabrication et l'entretien par soi-même de poste radio : en 1910 il y a environ 125K jeunes hommes qui fabriquent leur propre radio aux USA.
Le développement de la culture des loisirs à la maison (loisirs domestiques) :
Le goût pour la musique que l'on écoute chez soi joue aussi un rôle d'abord aux USA ainsi qu'en UK et dans une moindre mesure en France. En 1910, 20% des ménages sont équipés de piano, des partitions sont vendu à plus d'un million d'exemplaire. A cela s'ajoute l'apparition du phonographe d'EDISON : en 1910, 15% des foyers ont un phonographe, 50% en 1920 (les familles ont environ 8 disques).
Ce que tente les entrepreneurs de la radio est de raccroché ce nouveau média à la passion des individus pour l'écoute de la musique à la maison. SARNOFF se dit qu'il faut profiter cela, il rédige un projet qu'il envoi à la direction de MARCONI : « radio music box project » en 1916. Cela n'intéresse pas la direction de MARCONI car ils pensent qu'il n'est pas certain d'avoir un marché alors que leur priorité est la télégraphie sans fil.

La situation change a cause de la guerre mondiale, pour plusieurs raisons. Pouvoir transmettre des informations sous forme de MORSE mais aussi à la voix est un avantage énorme sur le champ de bataille : l'armée américaine finance grandement les recherches sur les postes radio, il y a des progrès rapides. On veut équiper les soldats qui partent sur le front européen. Du fait de la guerre, tous les conflits de brevet sont annulés, mis à l'écart.
Après l'armistice, la technologie a changée, les soldats reviennent avec les compétences pour entretenir un poste radio récent et les petites réticences et incertitudes autour de projet de « radio music box » s'envolent. En 1921, il y avait 5 stations de radio qui émettaient des programmes musicaux ; en janvier 1922, il y en a 36 ; en juin 1922, il y en a 382 ; en janvier 1923, il y en a 556. Se met en place à l'époque le terme de broadcast (semer à la volée) dans la musique.

Conclusion :
Ce cas montre que dès qu'on se met à rentrer dans les détails, le modèle de diffusion ne s'applique pas. On ne peut pas dire qu'il y a une technologie qui a un certain nombre de qualité propre et qui, de ce fait, se propage de plus en plus au sein d'une société. Comme l'indique le modèle de traduction, il n'y a pas une technologie liée à la radio ni un usage unique mais plutôt des configuration techniques, médiatiques et comportementales qui n'ont cessé d'évoluer : TSF, la radio téléphonie, le mouvement des radios amateurs, les programmes radios sur station. C'est finalement une configuration de masse media qui prend le pas.
Toutes ces transformations ont résulté des acteurs sociaux qui se sont intéressés, qui se sont emparé de cette technologie pour l'adapter à leurs propres projets.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire