lundi 2 avril 2012

Médiévale 29 - 03 (cours 7)

Précédemment : Médiévale 22 - 03


Figurine d'un Sarrasin



On connaît l’histoire d’Othere, chef viking norvégien, fournisseur de la cour d’un roi du Wessex, Alfred le Grand. Même en pleine période d’attaques vikings, les relations commerciales entre les deux chefs ne s’interrompent pas. Un moine de la cour de ce roi a mis par écrit la vie de ce chef viking. Il se qualifie comme chef à la fois éleveur, chasseur, agriculteur, … Mais sa principale source de profit vient du commerce de fourrures, d’os (de baleine et d’ivoire de morse). Fin IX° siècle, malgré les pillages vikings, le commerce avec eux est maintenu. Même s’ils sont marchands, on sait aujourd’hui que les Vikings se déplacent toujours très armés, notamment pour le prestige que cela offre à celui qui les possède. Ces armes sont très proches de celles des Francs, voire sont d’origine franque. Il est possible qu’une partie de ces armes soient razziées aux Francs, une autre a du être vendue en dépit de la menace capitulaire de mort. De plus, une partie a fini par être produite en Scandinavie, leurs forgerons acquérant un certain prestige. De même pour les casques.
Les armées vikings sont de petites tailles, les flottes importantes en réunissaient plusieurs ensembles. Avant la seconde moitié du XI° siècle, Les armées vikings formaient de petites armées privées. Le succès viking ne tient pas à leur supériorité numérique, ni leur supériorité d’armement mais bien à leur vitesse et à l’effet de surprise lié à leurs bateaux. Ces navires allaient vite et par leurs fonds plats pouvaient remonter haut le long des fleuves. Si le mot est snekkja, on parle de drakkar à cause du petit dragon sculpté en proue du bateau, le drekki. Il devait soit effrayer les ennemis, soit effrayer les monstres marins. Lorsqu’il n’y a pas de vents, ils se servent de rames. Notons qu’ils peuvent transporter sur ses bateaux de nombreux équipements dont des chevaux qui permettaient de continuer les razzias en terre. Mais ces bateaux coutaient chers et assuraient un prestige, donc seuls une bonne assise dans la société scandinave permettait cela. On y tenait tellement, que leurs propriétaires une fois mort, on brulait leurs bateaux et on enterrait le défunt avec les cendres. Une autre pratique était d’incinérer le défunt avec son bateau. Les tombes les plus prestigieuses sont comblées par des animaux, des ustensiles pour le banquet d’Odin, des esclaves pour aider à la cuisine, … Seule l’élite des guerriers pouvait en bénéficier. Cette élite de guerriers est aussi l’élite économique et politique. Les armes dans les tombes sont souvent des armes franques et, dans ce contexte, cela est soit venu du butin, soit d’un cadeau.

L’expansion viking se fit en trois phases. Jusque vers 830, on a des raids très sporadiques et isolées. Elles sont montées contre des objectifs sur les côtes. Le plus ancien raid connu date de 793 et eut lieu contre le monastère de Lindisfarne, un des plus grands monastères du monde Anglo-Saxon, qui fut entièrement brulé. A partir de 795, ils s’en prennent beaucoup à l’Irlande. En 799, ils attaquent les côtes du royaume franc. Charlemagne inquiet demande des fortifications sur les côtes et la rénovation des phares.
Dans un second temps, entre 830 et 865, les Vikings reviennent sur le continent et profitent du désordre politique pour remonter loin dans les terres par les fleuves en remontant à Orléans pour la Loire et à Meaux pour la Seine. Ils s’établissent à demeure sur l’embouchure de la Seine tout en continuant leurs razzias dans le bassin versant de la Seine. Ils feront d’ailleurs un raid sur St-Denis enlevant l’archichancelier du royaume, cousin germain de Charles le Chauve. Le roi va devoir lever une rançon énorme pour libérer son cousin qui serait montée à 688 livres d’or et 3 250 livres d’argent. Les Grands en ont assez que Charles lève si régulièrement le Danegeld, prix demandé par les Danois. Cette pratique vient des monastères en premier lieu qui payaient les Vikings pour leur départ. Le pouvoir royal sous prétexte d’acheter le retour à la paix, fait de même ensuite. Durant cette phase, les Vikings s’enrichissent considérablement. Ainsi le trésor de Hon en Norvège semble avoir une des parties du pillage de St-Denis avec une fibule, des monnaies et des bijoux scandinaves. La plupart des trésors volés au royaume franc furent donc refondus, et ceux qui sont restés intacts sont plutôt d’origine anglo-saxonne. On pense aussi que de nombreux cadeaux circulaient entre chefs vikings qui n’étaient pas fondus.
Fin des années 865 jusqu’à 930, on entre dans une nouvelle phase, celle de la fondation de nouveaux Etats vikings. Ils fonderont le royaume de Dublin qui fut assez éphémère, mais surtout l’Est de l’Angleterre, le Danelaw, avec le royaume d’York en 876 par exemple. Enfin, ils s’installent aussi en Normandie. En 911, est signé le traité de St-Clair sur Epte. Le roi franc Charles le Simple a cédé à un chef viking nommé Hrolf ou Rollon. Le but est que Rollon qui reçoit la région dévastée doive la protéger des attaques vikings. On considère que c’est la fondation du duché de Normandie puisque les fils de Rollon prendront le titre de Duc des Normands. Ce n’est pas la première fois que cette stratégie est mise ne place, mais là elle va marcher. En effet, Rollon et ses fils vont vite s’intégrer à la vie politique du royaume par la parenté spirituelle, par des relations de fidélités aux grands francs (Rollon fut vassal de Robert de Neustrie, ancêtre d’Hugues capet), par des alliances matrimoniales, … Ces Vikings se sont acculturés en acceptant les mœurs franques. L’Eglise joue alors un rôle important, le fils de Rollon, Guillaume Longue Epée fut d’ailleurs très conseillé par l’Eglise.
La question est alors de savoir si la Normandie fut une colonie viking, les archéologues n’ont rien retrouvé comme traces typiquement viking. La trace principale est toponymique avec les noms de lieux en –tot. Alors les vikings ne devaient pas être très nombreux certes, en revanche les élites qui se sont implantées sur place se sont appropriés des terres parfois même des villes qu’ils ont nommé dans le style viking. On a aussi des mots dans le vocabulaire normand voire français (tribord, babord, …) surtout concernant le vocabulaire marin. On a aussi des traces dans les noms de famille, aujourd’hui encore avec des transformations, on a des noms de personnalités dérivées d’ancêtres vikings.

Le phénomène viking est donc complexe mais fut déterminant en Europe. Aujourd’hui on nuance le seul coté pillages et incendies. On souligne le fait que l’Eglise s’est enrichie en acquisitions foncières sur le long terme. Autre point des économistes, les Vikings en pillant les trésors ont remis du métal précieux en circulation qui fut réinvesti dans les circuits économiques en particulier dans les mers de Nord, ce qui explique que se soit la région qui par la suite deviendra le poumon économique d’Europe. Ces pillards ont redistribués les cartes économiques au profit de la mer du Nord pour le début du Moyen-Age. Enfin cela a abouti à l’intégration de la Scandinavie dans la culture européenne et à la constitution d’Etats monarchiques dans le Nord de l’Europe. De plus, les Vikings ont découvert de nombreuses terres en colonisant l’Islande, le Sud du Groenland jusqu’au XIV° siècle (ils furent décimés par une épidémie) et l’Amérique du Nord qu’ils ne colonisèrent pas longuement.

B.     La piraterie sarrasine

Ces pirates musulmans pillent le sud de l’Empire avec Nice en 813, Marseille en 834 et en 838. Ils prennent aussi la Sicile en 827 et s’y implantent pour attaquer l’Italie du Sud. On a donc aussi deux phases : de pillages puis d’installations. Il n’y a pas non plus d’Etats derrière, ce sont des pillages pour l’enrichissement et non pas au nom de Dieu. Il s’agit surtout de faire des bénéfices.
Ces pirates viennent de l’émirat de Cordoue pour une part et de la dynastie des Aghlabite au royaume éponyme, en actuelle Tunisie. Ils s’installent aussi dans des repères en Provence et dans les Alpes ce qui multiplient les embuscades entre l’Italie et la Provence et pose de nombreux problèmes. De plus, ils s’en prennent à Rome et la sécurité est renforcée de plusieurs manières. Malgré tout leurs efforts, les Sarrasins s’arrêtent durablement sur les côtes italiennes. Du coup, cela ferme le grand commerce en Méditerranée et favorise la Mer du Nord où les richesses transites.

C.     La frontière orientale

Les peuples de Moravie commencent à s’organiser en Etat avec quelques Moraves christianisés qui s’y attaquent. Les Avars que Charlemagne a massacré, laissent un vide dans leur royaume que les Bulgares viennent combler en s’attaquant à l’Empire ce qui empêche toute extension de l’Empire. Les Bulgares ne font pas des raids de pillages mais sont en conflit ouvert avec les Carolingiens et ne souhaitent pas se soumettre. On mesure donc à quel point l’Empire est menacé.

Louis le Pieux n’a fait aucune conquête et lutte surtout contre l’instabilité politique menaçante au sien de son Empire. Cela est d’autant plus difficile que les caisses de l’Empire sont vides en richesses et en terres. Même sans la naissance de Charles le Chauve, l’ordinatio imperii était menacé puisque l’aristocratie laïque ne voyait pas l’intérêt de conserver un seul Empire en danger alors qu’en s’engageant avec un de ses fils, elle pouvait lutter contre les deux autres.





2.      Les dernières années du règne de Louis

Louis le Germanique, qui a sorti son père de la prison de St-Médard, ne reçoit guère beaucoup plus de son père. Il complote donc avec Lothaire. Leur père furieux de ce rapprochement décide en juillet 838 de ne laisser à Louis le Germanique que la Bavière en lui reprenant les promesses alors faites. En septembre de la même année, Charles le Chauve reçoit de son père les armes qui font de lui un homme à 15 ans. Son père ajoute une couronne de Neustrie, sauf que personne ne sait où vont les limites de la Neustrie. En décembre, s’ajoute la disparition en décembre 838 de Pépin d’Aquitaine. Du coup, Louis le Pieux en mai 839, organise un nouveau traité lors de l’assemblée de Worms. C’est un nouveau partage qui se définit. A Louis le germanique la Bavière, à Lothaire l’Ouest de la Meuse – Saône – Rhône et à Charles, l’Est de cette limite. Lothaire trouvant ce partage toujours injuste, entre en rébellion ouverte contre son père pour réclamer son héritage, avec le soutien du fils de Pépin d’Aquitaine, Pépin II d’Aquitaine. Louis le Pieux entre de nouveau en guerre et décèdera en revenant d’une expédition contre Louis le Germanique, le 20 juin 840.


Généalogie depuis Charlemagne


Les fils de Louis le Pieux et la naissance de nouveaux royaumes


Avec le décès de Louis le Germanique, une guerre civile ouverte éclate entre les trois frères durant trois ans de 840 à 843 et s’achève par le partage de Verdun. On voit plusieurs écrits historiques soulignant qu’on a là la naissance de la France, ce qui n’est pas exactement le cas.


I.                   De la guerre civile au partage de Verdun

1.      La bataille de Fontenay en Puisaye

En 839, le décès de Louis le Pieux devait faire entériner le partage de Worms, or Lothaire renie ce partage et revendique l’application intégrale de l’ordinatio imperii pour être l’empereur de tout son territoire légitimement acquis. Il envoie des missives dans tout l’Empire pour menacer ses ennemis s’ils ne se rallient pas à lui. Du coup, Louis le Germanique et Charles le Chauve s’y opposent et jouent sur les fidélités pour s’allier des aristocrates. Lothaire semble avoir le plus de fidèles vu qu’il a un réseau dans tout l’Empire. Il comprend aussi que soutenir toute révolte contre ses frères devraient les affaiblir. Il soutient la révolte de Pépin II d’Aquitaine, revendiquant ses terres, contre Charles ; les stellinga des Saxons contre Louis le Germanique. Ces stellinga sont les hommes libres de la Saxe qui se révoltent face à leurs élites et donc contre Louis le Germanique.
La seule solution des deux frères est de s’allier contre Lothaire. Ils effectuent cette alliance et à Fontenay en Puisaye, le 25 juin 841 près d’Auxerre leurs armées sont contre celles de Lothaire. Dans ces armées on a des ecclésiastiques qui bénissent les armes et soulignent qu’on se bat au nom de Dieu. Toujours est-il que les évêques vont faire de cette bataille une ordalie, un jugement de Dieu qui favorisera celui qui est juste. Par son ampleur, cette bataille va traumatisée les contemporains et de nombreux textes décrivent cette bataille.

Curieusement Louis et Charles gagnent la bataille. Lothaire fuit alors à Aix-la-Chapelle dans laquelle il s’enferme. Tout les hésitants parmi les élites rejoignent Louis et Charles, en particulier Bernard de Septimanie qui confie son fils à Charles. C’est une garantie de la fidélité. Cela ne fait que renforcer l’alliance entre Louis et Charles qui passent aussi par les serments que passent entre eux les deux frères : les serments de Strasbourg.

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